Vous trouverez rassemblés sur ce blog tous les textes que j'ai publié ainsi que quelques inédits et les annonces de mes conférences. Pour me contacter : julien.dohet@skynet.be
Je
signe un article intitulé "La coopération socialiste (1872-1983),
colonne vertébrale d’un projet de société alternatif ?" dans le dernier
numéro de "Dynamiques" la revue du Carhop (le Centre d’Animation et de
Recherche en Histoire Ouvrière et Populaire) consacrée à "L’économie
sociale en Mouvement(s)".
Cet article est paru dans le n°102 de la revue Aide-Mémoire, pp.72-75
Henry Ford (1863-1947) est connu pour sa méthode de
développement de l’entreprise, le« fordisme », liant productivité et hausse salariale associées
à une nouvelle forme d’organisation du travail. Mais Henry Ford, c’est aussi un
théoricien antisémite, proche du Nazisme et un employeur ayant développé une
milice privée pour casser toutes velléités syndicales dans ses entreprises. Il
utilisera son immense fortune pour diffuser ses écrits antisémites. Loin d’être
complétement obsolètes, ceux-ci continuent à circuler et à nourrir l’idéologie
d’extrême droite. D’autant qu’une bonne part des propos est applicable si on
remplace « juifs » par « musulmans ».
L’extrême droite dit ne plus rien pouvoir dire… en le
disant depuis plus d’un siècle[1]
Le 4e de couverture de l’édition que nous
utilisons ici est déjà particulièrement explicite. C’est la richesse de Ford
qui lui permet d’être en mesure « de dire sans détours ce qu’il sait et ce
qu’il pense. De par sa vaste expérience des affaires et des choses de la vie,
Henry Ford savait de quoi il parlait. C’est pourquoi son discours a déplu à un
certain lobby ultra-minoritaire. Ce qui est arrivé à Henry Fort, et ce qui s’est
passé par la suite tout au long du XXe siècle, n’ont fait que confirmer ses
dires »[2]
Par ailleurs « A l’heure où la police de la pensée s’impose partout, Henry Ford
nous rappelle que le « politiquement correct » n’est pas un phénomène nouveau.
Le Juif International n’avait jamais été traduit en français : près de huitante
ans après la parution de son livre-clé, les dérives totalitaires qui frappent
nos sociétés nous confirment la pertinence des avertissements que Henry Ford
prodiguaient alors »[3].
Ces mots sont ceux de René-Louis Berclaz (1950-), un militant d’extrême droite
Suisse condamné à plusieurs reprises pour négationnisme. Il enfonce le clou
dans sa préface sur l’aspect complotiste et antisémite[4] :
« Les événements ayant suivi la publication des Protocoles n’ont fait que
confirmer la pertinence des analyses du Juif international. Ces deux ouvrages
sont largement complémentaires et ont connu les mêmes avatars parce qu’ils
révélèrent le plus sinistre des desseins, celui d’établir le règne du Peuple
élu (…) »[5]
Et de prendre comme preuve un extrait… du journal Gringoire de 1942[6].
Berclaz développe également un raisonnement pseudo-logique typique des
complotistes pour balayer la question de l’authenticité des Protocoles
des sages de Sion : « Poser la question de leur authenticité, c’est,
par analogie se demander si tel tableau est bien de la main de tel peintre,
alors que la question est de savoir si le paysage peint sur la toile est
imaginaire ou réel »[7].
Or dans le cas des protocoles, comme souvent dans les cas évoqués par les
complotistes, ce n’est ni l’un ni l’autre[8].
Entre l’introduction et le texte de Ford, un encart enfonce
le clou : « Le lecteur pourra peut-être s’étonner de la grande liberté de
ton de l’auteur. Une telle impression est en fait l’indice que notre
conditionnement à l’idéologie dominante est plus profond que nous le croyons.
Nous n’avons plus l’habitude d’appeler un chat un chat, alors que Henry Ford
pouvait encore s’exprimer librement et sans aucun complexe ! »[9].
Et donc Henry Ford de déjà dénoncer le fait qu’il est accusé d’antisémitisme
parce qu’il ose dire certaines choses comme : « La musique populaire est
un monopole juif. Or, le jazz est de facture juive. Cette bouillie musicale, accommodée
tantôt à l’eau de rose, tantôt à la fange la plus fétide, où des suggestions
sournoises le disputent à la sensualité débridée de notes instables, est
d’extraction juive. Dialogues de singes, cris aigus des profondeurs de la
jungle, grognements, glapissements, halètements suggestifs d’amours immatures,
ces bruitages sont à peine camouflés par quelques notes fiévreuses et pénètrent
dans les familles, d’où tout cet affligeant fatras devrait être éjecté avec
horreur, s’il ne se présentait pas sous la forme enregistrée de « musique en
conserve ».[10]
Ou, déjà, de tenir des propos négationnistes[11]
sur ce que subissent les Juifs et le fait qu’ils utilisent cela pour se
victimiser et ainsi se rendre intouchables : « Cette propagande
progromiste, du style « des milliers et des milliers de Juifs furent massacrés
! », ne rime à rien, sinon à illustrer la crédulité du public. Personne n’y
croit et le gouvernement la réfute régulièrement. Mais le fait que cette
propagande continue, indique que ces bobards sont nécessaires afin de justifier
le sinistre programme sioniste »[12]
Ou encore : « Quel que soit l’aspect sous lequel l’étudiant aborde la «
question juive », il est toujours frappé par le fait que les Juifs se plaignent
continuellement des problèmes qu’ils ont eux-mêmes engendrés. Ainsi, ils se
plaignent de ce qu’ils appellent « antisémitisme » ; mais il va de soi, même
pour le plus demeuré, qu’il ne saurait exister un « antisémitisme » s’il n’y
avait pas à l’origine ma « Question juive ». Voyez ensuite les jérémiades que
distillent les Juifs devant vivre dans des ghettos. Mais le ghetto est une
invention juive ! »[13]
Le complotisme antisémite
Dans son livre, Ford accuse les Juifs de tous les maux en
prenant pour réel Les protocoles des sages de Sion et en alignant
« des faits » visant à prouver que ce qui y est écrit se réalise :
« La panjudée (gvt mondial basé à New-York) tient un vice-gouvernement dans
chaque capitale. Ayant assouvi sa vengeance sur L’Allemagne, elle s’en va à la
conquête d’autres nations… La Grande Bretagne l’a déjà subie ; la France et la
Russie l’ont dégustée depuis longtemps ; les Etats-Unis, avec leur principe de
tolérance à l’égard de toutes les races, leur ont offert un firmament
prometteur. La Panjudée est là, bien réelle ! »[14].
Ce gouvernement mondial est le cœur de toutes les agitations : « La
situation du quartier général communiste à New-York était importante (elle
l’est toujours) à cause des réseaux de transmission de l’autorité centrale vers
d’autres villes de l’Union. New-York est le laboratoire au sein duquel les
émissaires de la Révolution apprennent leurs leçons, enrichies des conseils et
de l’expérience de délégués itinérants venus tout droit de la Russie
bolchévique. Les citoyens américains ne se rendent pas compte que les troubles
publics, les grèves, les inégalités salariales et la confusion politique dont
parlent leurs journaux n’ont rien de spontané, mais sont les conséquences d’un
complot des dirigeants (…) »[15].
Complot, le mot est clairement énoncé[16].
Et de poursuivre en donnant comme réelle cause de la première guerre mondiale
une volonté de l’Allemagne de se détacher de cette emprise : « Que l’on
remonte aux révolutions françaises, allemande, russe, et aux troubles
internationaux, depuis que sont intervenus les dirigeants dont on vient de
parler, et à jusqu’à présent, les partis politiques mis en place ont gardé le
pouvoir, parce que, derrière ces partis, des organisations juives tirent les
ficelles. La Russie est aussi contrôlée par les Juifs que la France.
L’Allemagne, prise à la gorge, a vainement tenté de faire lâcher prise à Juda. »[17].
Le Juif est partout, c’est lui qui a fait du cinéma une
propagande juive, Ford tenant au passage un discours passéiste du
« c’était mieux avant » en évoquant le cinéma muet. Il contrôle
vraiment tout, est un état dans l’état : « Faire le décompte de tous les
réseaux d’affaires sous contrôle juif aux Etats-Unis revient à faire
l’inventaire de la plupart des industries vitales du pays : celles qui sont
réellement vitales et celles qui, par habitude savamment entretenue, semblent
vitales »[18]
Une argumentation d’une étrange actualité, montrant la
matrice conceptuelle de l’extrême droite
Mais ce qui frappe avec le livre de Ford, au-delà de
l’accumulation des poncifs antisémites[19],
comme dans ce passage : « C’est bien par une manière de traiter les
affaires que le Juif se distingue particulièrement de toute autre race. Que ce
soit pour la vente de fripes comme pour le contrôle du commerce et de la
finance internationale, il faut le reconnaître, le Juif est suprêmement doué en
affaires. Et plus que toute autre race, il fait montre d’une franche aversion
pour le travail manuel dans l’industrie, ceci étant compensé par une tout aussi
franche faculté d’adaptation à toutes les situations commerciales »[20],
c’est que ce qui est dit alors des Juifs est appliqué aujourd’hui par l’extrême
droite à d’autres, notamment les musulmans. Ford explique que l’on ment sur le
nombre réel de Juifs présents aux USA alors que l’on assiste à une
« marée juive » : « Pourquoi donc se comportent-ils comme s’ils
possédaient les Etats-Unis ? à n’en plus douter, ils abattent murs et barrières
avec toute l’arrogance de l’envahisseur victorieux ; car ce n’est rien de moins
qu’une invasion, inspirée et facilitée par des personnalités influentes. Quand
ces flux migratoires ne sont pas tenus secrets, on les teinte légèrement de
quelques bons sentiments, ce qui se traduit par l’éternelle complainte : « ces
malheureux fuient des persécutions ! »[21]
Et ce « grand remplacement » se fait d’autant plus que le juif refuse
de s’intégrer réellement en défendant son identité et ses spécificités : « Les pères de la nation étaient
issus de la branche anglo-saxonne des Celtes. Ces hommes sont venus d’Europe
avec la civilisation dans leur sang (…) Dans les territoires occupés par les
anglo-saxons survient alors un peuple d’une autre culture, dont le royaume est
celui de l’argent, rejeté par tous les pays les ayant abrités ; et ce
peuple vient pour dire aux fils de saxons ce qu’ils doivent faire pour que le
monde soit tel qu’il devrait être »[22].
Une technique étant de se cacher derrière « l’idéologie droit de
l’hommisme » : « les Juifs ne peuvent continuer à jouer leur rôle de
missionnaire de la « religion » des droits de l’homme dans le monde, sans eux-mêmes
faire preuve de cette compassion à l’égard d’une humanité qui les soupçonne à
juste titre de l’exploiter avec une rapacité impitoyable »[23]
Cette opération de prise de contrôle de la société passe notamment par un
discours sur la sécularisation : « Non content de leur liberté,
insatisfaits d’une « sécularisation » qui, en clair, signifie
déchristianisation de toutes les institutions publiques, les Juifs ont
visiblement entamé une troisième étape de leurs activités, soit l’exaltation du
judaïsme en tant que système reconnu et méritant d’être spécialement privilégié
(…) La sécularisation fait le lit de la judaïsation »[24]
On le voit, si le
bouc émissaire, la cible a pu changer, la rhétorique et l’argumentation elles
sont toujours les mêmes. Il n’est donc guère étonnant que le racisme, et
l’antisémitisme, reste une constante et une colonne vertébrale de l’idéologie
et du discours de l’extrême droite !
[1]
Voir Voltaire comme alibi à la rupture du cordon sanitaire in AM n°89
de juillet-septembre 2019 et Le non-conformisme, euphémisme de l’extrême
droite in AM n°93 de juillet-septembre 2020
[2] Henry
Ford, Le Juif international. Le plus grand problème du monde. Version
abrégée traduit de l’anglais par l’association « Vérité et Justice »
Chatel-St-Denis, septembre 2001, 4e de couverture
Henry Ford
(1863-1947), le constructeur automobile, est connu pour sa méthode de
développement de l’entreprise, le « fordisme », liant productivité et
hausse salariale associées à une nouvelle forme d’organisation du
travail. Mais, chose moins connue, Henry Ford, c’est aussi un théoricien
antisémite, proche du nazisme et employeur ayant développé une milice
privée pour casser toutes velléités syndicales dans ses entreprises. Il
utilisera son immense fortune pour diffuser ses écrits antisémites. Loin
d’être complétement obsolètes, ceux-ci continuent à circuler et
à nourrir l’idéologie d’extrême droite. D’autant qu’une bonne part des
propos en question est largement applicable si on remplace le terme
« juif » par « musulman ».
L’extrême droite affirme ne plus rien pouvoir dire… en le disant depuis plus d’un siècle1
La 4e de couverture de l’édition que nous utilisons ici
est déjà particulièrement explicite. C’est la richesse de Ford qui lui
permet d’être en mesure « de dire sans détours ce qu’il sait et ce qu’il
pense. De par sa vaste expérience des affaires et des choses de la vie,
Henry Ford savait de quoi il parlait. C’est pourquoi son discours
a déplu à un certain lobby ultra-minoritaire. Ce qui est arrivé à Henry
Ford, et ce qui s’est passé par la suite tout au long du XXe siècle, n’a fait que confirmer ses dires2 ».
Par ailleurs, « à l’heure où la police de la pensée s’impose partout,
Henry Ford nous rappelle que le “politiquement correct” n’est pas un
phénomène nouveau. Le Juif international n’avait jamais été
traduit en français : près de huitante ans après la parution de son
livre-clé, les dérives totalitaires qui frappent nos sociétés nous
confirment la pertinence des avertissements que Henry Ford prodiguaient
alors3 ».
Ces mots sont ceux de René-Louis Berclaz (1950-), un militant
d’extrême droite suisse condamné à plusieurs reprises pour
négationnisme. Il enfonce le clou dans sa préface sur l’aspect
complotiste et antisémite4 (p.2) : « Les événements ayant suivi la publication des Protocoles n’ont fait que confirmer la pertinence des analyses du Juif international.
Ces deux ouvrages sont largement complémentaires et ont connu les mêmes
avatars parce qu’ils révélèrent le plus sinistre des desseins, celui
d’établir le règne du Peuple élu (…). » Et de prendre comme preuve un
extrait… du journal Gringoire de 19425.
Berclaz développe également un raisonnement pseudo-logique typique des
complotistes pour balayer la question de l’authenticité des Protocoles des sages de Sion (p.3) :
« Poser la question de leur authenticité, c’est, par analogie se
demander si tel tableau est bien de la main de tel peintre, alors que la
question est de savoir si le paysage peint sur la toile est imaginaire
ou réel. » Or dans le cas des protocoles, comme souvent dans les cas
évoqués par les complotistes, ce n’est ni l’un ni l’autre6.
Entre l’introduction et le texte de Ford, un encart enfonce le clou
(p.9) : « Le lecteur pourra peut-être s’étonner de la grande liberté de
ton de l’auteur. Une telle impression est en fait l’indice que notre
conditionnement à l’idéologie dominante est plus profond que nous le
croyons. Nous n’avons plus l’habitude d’appeler un chat un chat, alors
que Henry Ford pouvait encore s’exprimer librement et sans aucun
complexe ! » Et donc Henry Ford de déjà dénoncer le fait qu’il est
accusé d’antisémitisme parce qu’il ose dire certaines choses comme
(p.135) : « La musique populaire est un monopole juif. Or, le jazz est
de facture juive. Cette bouillie musicale, accommodée tantôt à l’eau de
rose, tantôt à la fange la plus fétide, où des suggestions sournoises le
disputent à la sensualité débridée de notes instables, est d’extraction
juive. Dialogues de singes, cris aigus des profondeurs de la jungle,
grognements, glapissements, halètements suggestifs d’amours immatures,
ces bruitages sont à peine camouflés par quelques notes fiévreuses et
pénètrent dans les familles, d’où tout cet affligeant fatras devrait
être éjecté avec horreur, s’il ne se présentait pas sous la forme
enregistrée de “musique en conserve”. » Ou, déjà, de tenir des propos
négationnistes7
sur ce que subissent les Juifs et le fait qu’ils utilisent cela pour se
victimiser et ainsi se rendre intouchables (p.111) : « Cette propagande
pogromiste, du style “des milliers et des milliers de Juifs furent
massacrés !”, ne rime à rien, sinon à illustrer la crédulité du public.
Personne n’y croit et le gouvernement la réfute régulièrement. Mais le
fait que cette propagande continue, indique que ces bobards sont
nécessaires afin de justifier le sinistre programme sioniste. » Ou
encore (p.30) : « Quel que soit l’aspect sous lequel l’étudiant aborde
la “question juive”, il est toujours frappé par le fait que les Juifs se
plaignent continuellement des problèmes qu’ils ont eux-mêmes engendrés.
Ainsi, ils se plaignent de ce qu’ils appellent “antisémitisme” ; mais
il va de soi, même pour le plus demeuré, qu’il ne saurait exister un
“antisémitisme” s’il n’y avait pas à l’origine la “Question juive”.
Voyez ensuite les jérémiades que distillent les Juifs devant vivre dans
des ghettos. Mais le ghetto est une invention juive ! »
Le complotisme antisémite
Dans son livre, Ford accuse les Juifs de tous les maux en tenant pour authentique Les protocoles des sages de Sion
et en alignant « des faits » visant à prouver que ce qui y est écrit se
réalise (p.195) : « La panjudée (gvt mondial basé à New York) tient un
vice-gouvernement dans chaque capitale. Ayant assouvi sa vengeance sur
l’Allemagne, elle s’en va à la conquête d’autres nations… La Grande
Bretagne l’a déjà subie ; la France et la Russie l’ont dégustée depuis
longtemps ; les États-Unis, avec leur principe de tolérance à l’égard de
toutes les races, leur ont offert un firmament prometteur. La Panjudée
est là, bien réelle ! ». Ce gouvernement mondial est le cœur de toutes
les agitations (p.102) : « La situation du quartier général communiste
à New York était importante (elle l’est toujours) à cause des réseaux de
transmission de l’autorité centrale vers d’autres villes de l’Union.
New York est le laboratoire au sein duquel les émissaires de la
Révolution apprennent leurs leçons, enrichies des conseils et de
l’expérience de délégués itinérants venus tout droit de la Russie
bolchévique. Les citoyens américains ne se rendent pas compte que les
troubles publics, les grèves, les inégalités salariales et la confusion
politique dont parlent leurs journaux n’ont rien de spontané, mais sont
les conséquences d’un complot des dirigeants (…)8. » Complot, le mot est clairement énoncé9.
Et de poursuivre en donnant comme réelle cause de la Première Guerre
mondiale une volonté de l’Allemagne de se détacher de cette emprise
(p.102) : « Que l’on remonte aux révolutions française, allemande,
russe, et aux troubles internationaux, depuis que sont intervenus les
dirigeants dont on vient de parler, et jusqu’à présent, les partis
politiques mis en place ont gardé le pouvoir, parce que, derrière ces
partis, des organisations juives tirent les ficelles. La Russie est
aussi contrôlée par les Juifs que la France. L’Allemagne, prise à la
gorge, a vainement tenté de faire lâcher prise à Juda10. »
Le Juif est partout, c’est lui qui a fait du cinéma une propagande
juive, Ford tenant au passage un discours passéiste du « c’était mieux
avant » en évoquant le cinéma muet. Il contrôle vraiment tout, est un
État dans l’État (p.14) : « Faire le décompte de tous les réseaux
d’affaires sous contrôle juif aux États-Unis revient à faire
l’inventaire de la plupart des industries vitales du pays : celles qui
sont réellement vitales et celles qui, par habitude savamment
entretenues, semblent vitales. »
Une argumentation d’une étrange actualité, montrant la matrice conceptuelle de l’extrême droite
Mais ce qui frappe avec le livre de Ford, au-delà de l’accumulation des poncifs antisémites11,
c’est aussi ce genre de passage (p.145) : « C’est bien par une manière
de traiter les affaires que le Juif se distingue particulièrement de
toute autre race. Que ce soit pour la vente de fripes comme pour le
contrôle du commerce et de la finance internationale, il faut le
reconnaître, le Juif est suprêmement doué en affaires. Et plus que toute
autre race, il fait montre d’une franche aversion pour le travail
manuel dans l’industrie, ceci étant compensé par une tout aussi franche
faculté d’adaptation à toutes les situations commerciales. » C’est que
ce qui fut dit alors des Juifs est appliqué aujourd’hui par l’extrême
droite à d’autres, notamment les musulmans. Ford explique que l’on ment
sur le nombre réel de Juifs présents aux USA alors que l’on assiste
à une « marée juive » (p.40) : « Pourquoi donc se comportent-ils comme
s’ils possédaient les États-Unis ? À n’en plus douter, ils abattent murs
et barrières avec toute l’arrogance de l’envahisseur victorieux ; car
ce n’est rien de moins qu’une invasion, inspirée et facilitée par des
personnalités influentes. Quand ces flux migratoires ne sont pas tenus
secrets, on les teinte légèrement de quelques bons sentiments, ce qui se
traduit par l’éternelle complainte : “ces malheureux fuient des
persécutions !” » Et ce « grand remplacement » s’opère d’autant plus que
le Juif refuse de s’intégrer réellement en défendant son identité et
ses spécificités (p.25) : « Les pères de la nation étaient issus de la
branche anglo-saxonne des Celtes. Ces hommes sont venus d’Europe avec la
civilisation dans leur sang (…) Dans les territoires occupés par les
anglo-saxons survient alors un peuple d’une autre culture, dont le
royaume est celui de l’argent, rejeté par tous les pays les ayant
abrités ; et ce peuple vient pour dire aux fils de saxons ce qu’ils
doivent faire pour que le monde soit tel qu’il devrait être. » Une
technique étant de se cacher derrière « l’idéologie droit de
l’hommiste » (p.162) : « les Juifs ne peuvent continuer à jouer leur
rôle de missionnaire de la “religion” des droits de l’homme dans le
monde, sans eux-mêmes faire preuve de cette compassion à l’égard d’une
humanité qui les soupçonne à juste titre de l’exploiter avec une
rapacité impitoyable. » Cette opération de prise de contrôle de la
société passe notamment par un discours sur la sécularisation
(p.90) : « Non content de leur liberté, insatisfaits d’une
“sécularisation” qui, en clair, signifie déchristianisation de toutes
les institutions publiques, les Juifs ont visiblement entamé une
troisième étape de leurs activités, soit l’exaltation du judaïsme en
tant que système reconnu et méritant d’être spécialement privilégié (…)
La sécularisation fait le lit de la judaïsation. »
On le voit, si le bouc émissaire, la cible, a pu changer, la
rhétorique et l’argumentation elles sont toujours les mêmes. Il n’est
donc guère étonnant que le racisme et l’antisémitisme demeurent une
constante et une colonne vertébrale de l’idéologie et du discours de
l’extrême d