Cet article a été publié dans Aide-Mémoire n°63 de janvier-mars 2013, p.11
Le 10 décembre
les territoires de la Mémoire, en association avec Mémoire de Dannes-Camiers a inauguré un mémorial commémorant la déportation des
Juifs de Liège durant l’occupation Nazie. Ce monument, qui prendra place
ensuite dans le site de Mnema, voit donc le jour au même moment que la nouvelle
version de la caserne Dossin à Malines. Deux lieux de mémoire de l’extermination
des Juifs par les Nazis ont donc été inaugurés en Belgique récemment.
Comme exprimé à
de nombreuses reprises dans nos textes analysant l’idéologie de l’extrême
droite, l’antisémitisme, et plus largement le racisme, n’est pas au cœur de la
doctrine. Cela n’en fait pas moins une composante essentielle et relativement
permanente. Au même titre que l’anticommunisme. C’est donc ces deux notions que
nous aborderons cette fois-ci.
L’antisémitisme « scientifique »
Nous avons déjà
abordé ici la question de la Race[1]. Avec le livre de George Montandon, nous entrons cependant dans une autre
dimension. Né en Suisse en 1879 dans une famille française, Montandon se
passionne dès la fin de ses études de médecine pour l’anthropologie. Il fera
notamment une mission importante en Éthiopie. Après la première guerre
mondiale, il se rend en Union Soviétique avec une Mission de la Croix Rouge et
adhère à la révolution Bolchévique, devenant même membre du PC Suisse à son
retour à Lausanne. Il s’installe à Paris en 1925 où il poursuit ses travaux.
C’est au moment du Front Populaire, en 1936, qu’il évolue politiquement et se
rapproche de penseurs antisémites dont il devient rapidement un des plus
influents. Céline s’inspire d’ailleurs de ses écrits dans Bagatelles pour un massacre[2]. Sous l’occupation, Montandon adhère au PPF[3] et
intègre différentes structures administratives dédiées à l’antisémitisme comme
le Commissariat général aux questions juives et publie de nombreux textes. Il
est abattu par la Résistance en 1944.
Son ouvrage le
plus connu, Comment
reconnaître et expliquer le Juif ?[4] est une bonne synthèse de la vision raciste
antisémite. Il s’agit finalement d’un texte assez court qui est prolongé par
une sorte d’anthologie de textes antisémites venant renforcer et illustrer le
propos : « Depuis un
siècle, il a été publié un grand nombre d’ouvrages où la question juive est
exposée fort clairement. Nous aurons l’occasion d’en donner de copieuses
citations au cours des pages qui vont suivre. Car, jusqu’à présent, la lecture
de ces ouvrages a été réservée à une élite. Ils n’ont pas eu le retentissement
que l’ampleur du sujet commandait. La presse juive les a étouffés, a établi
autour d’eux la conspiration du silence. De telle sorte qu’aujourd’hui encore
le grand public ignore la question juive. »[5].
Le livre distingue donc les différentes races avant de s’intéresser plus
particulièrement aux Juifs. C’est au détour de cette classification que l’on
peut lire que les Arabes sont de Race blanche, ce qui réjouira sans nul doute
l’extrême droite contemporaine.
Anthropologue et ethnographe, Montandon fait
une description assez « classique » du Juif que l’on retrouve
également dans les dessins de l’époque : « Un nez fortement convexe, d’ailleurs
de façon différente selon les individus, fréquemment avec proéminence
inférieure de la cloison nasale, et ailes très mobiles ; chez certains sujets
de l’Europe sud-orientale, le profil en bec de vautour est si accusé que l’on
pourrait croire à un produit sélectionné et qu’il ne s’explique que par le
phénomène d’auto-domestication plus haut mentionné ; des lèvres charnues, dont
l’inférieure proémine souvent, parfois très fortement (il n’est pas illégitime
d’y voir un résidu de facteurs négroïdes) ; des yeux peu enfoncés dans les
orbites, avec, habituellement, quelque chose de plus humide, de plus marécageux
que ce n’est le cas pour d’autres types raciaux, et une fente des paupières
moins ouverte. Les trois organes que sont les yeux, le nez et les lèvres sont
donc fortement « chargés » et c’est la combinaison des caractères mentionnés de
ces trois organes qui constitue principalement, avec une légère bouffissure de
l’ensemble des parties molles, ce que nous avons appelé le masque juif. Des
caractères moins fréquents et moins marquants sont : Le cheveu frisé, qu’il est
également légitime de rattacher à une ascendance négroïde ; L’oreille grande et
décollée. Des caractères de rapportant au corps, mais également moins
importants que ceux du visage, sont : Les épaules légèrement voûtées ; Les
hanches facilement larges ou graisseuses ; Les pieds plats. Certaines attitudes
sont également plus ou moins typiques à savoir : Le geste griffu. L’allure
dégingandée ou la démarche en battoirs »[6].
Il précise, reprenant les
lois de Mendel, que le problème est que les caractères Juifs sont dominants et
non récessifs. Cela le rend d’autant plus dangereux pour les autres races et
renforce le fait qu’il est inassimilable. Inassimilable génétiquement, mais
surtout moralement. Car le Juif a pour ambition d’être toujours un état dans
l’état, a pour vocation de dominer le monde car il se considère comme supérieur[7].
Pour réaliser son dessein : « On peut établir en principe que les Juifs se servent pour
asservir le monde : 1° des ouvriers, dirigés par des créatures à leur
solde ; 2° des gouvernements et des parlements soumis à l’obédience des
loges ; 3° de la société des nations, création juive, qui dans l’ordre
international devait assurer le triomphe d’Israël. »[8].
Il est donc toujours à l’origine des Révolutions : « Le Juif n’est enraciné nulle part. Il
n’a pas d’attache avec le sol. Il ne comprend rien aux traditions des pays
qu’il envahit. Il lui semble donc tout naturel de les mépriser, de les détruire
ou de les bouleverser. Aussi trouve-t-on le Juif à l’origine de toutes les
révolutions. »[9].
Et fidèle à la tradition d’extrême droite Montandon critique la Révolution
Française[10] :
« En 1791, la Révolution française, par
l’octroi des droits politiques aux Juifs, accélérait l’envahissement, les Achkénazim
dominant de plus en plus quantitativement. Mais, pour les uns et les autres,
c’était la ruée vers les postes directeurs du pays et de l’Etat. Les 90.000
juifs de 1870 ne devaient pas être loin du demi-million peu avant la guerre. En
1939, ils tenaient déjà pratiquement les leviers, lorsque… »[11].
La
Révolution bolchévique
Mais plus encore que la Révolution Française, Le
Juif est derrière la Révolution bolchévique et plus largement le Communisme. L’occasion de terminer cette chronique par un
autre livre que la réputation précède : Mea Culpa[12].
Le lien est d’autant plus évident que nous avons déjà signalé combien le lien
entre Céline et Montandon étai t fort. Outre ces pamphlets antisémites, Céline
a publié en 1936 un texte dénonçant le Communisme. Il est notable à ce niveau
que ce texte, contrairement aux pamphlets antisémites, fut réédité sans
problème. Ce texte à la réputation sulfureuse est très court et s’avère
finalement assez pauvre. Il est une dénonciation au style célinien de
l’égalitarisme prôné par le Communisme, avec bien entendu une petite touche
d’antisémitisme : « Se
faire voir aux côtés du peuple, par les
temps qui courent, c’est prendre une « assurance-nougat ». Pourvu
qu’on se sente un peu juif çà devient une « assurance-vie »[13].
Céline y attaque la mentalité bourgeoise : « Jamais depuis le temps
biblique ne s’était abattu sur nous fléau plus sournois, plus obscène, plus
dégradant à tout prendre, que la gluante emprise bourgeoise. Classe plus
sournoisement tyrannique, cupide, rapace, tartufière à bloc ! Moralisante
et sauteuse ! Impassible et pleurnicharde ! De glace au malheur. Plus
inassouvible»[14].
Mais surtout ceux qui donnent des illusions au plus pauvres : « La
politique a pourri l’Homme encore plus profondément depuis ces trois derniers
siècles que pendant toute la Préhistoire. Nous étions au Moyen Age plus près
d’être unis qu’aujourd’hui… un esprit commun prenait forme. (…) Le Communisme
matérialiste, c’est la Matière avant tout et quand il s’agit de matière c’est
jamais le meilleur qui triomphe, c’est toujours le plus cynique, le plus rusé,
le plus brutal. Regardez donc dans cette URSS comme le pèze s’est vite
requinqué ! »[15].
En cela il trouve d’ailleurs la religion plus honnête qui dit clairement que le
monde terrestre est un monde de souffrance qu’il faut accepter.
Le fonds de la
pensée que Céline exprime finalement dans Mea
Culpa nous ramène au cœur de la doctrine de l’extrême droite que nous
analysons dans cette chronique : l’homme est par nature un individualiste
forcené, vil et qui ne comprend que la loi du plus fort.
Notes
[1] De
l’étalon au noble SS in n°27 de janvier-février-mars 2004.
[2] L’antisémitisme
est-il une futilité ? in n°26
d’octobre-novembre-décembre 2003.
[3] Sur ce
parti, voir L’anticommunisme d’un
transfuge in n°59 de janvier-février-mars 2012.
[4] Georges Montandon, Comment
reconnaître et expliquer le Juif ? Avec dix clichés hors texte. Suivi d’un
portrait moral du Juif. Coll Les juifs en France n°1, Paris, Nouvelles
éditions françaises, 1940, 90 p.
[7] Voir sur
cette volonté de domination Un échec voué
au succès. Les protocoles des sages de Sion in Aide-mémoire n°18 de juillet-août-septembre 2001.
[10] Voir notamment De
l’inégalité à la monarchie in n°33 de juillet-août-septembre 2005 et La pensée
« contrerévolutionnaire » in n°36 d’avril-mai-juin 2006.
[12] Louis-Ferdinand
Céline, Mea Culpa. Suivi de la vie et l’œuvre de Semmelweis,
Paris, Denoël, 1937, 124 p.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire