mardi 6 août 2013

Des propos quelques peu actuels

J'ai retrouvé à l'occasion d'un classement une farde de documents dont j'ignore la provenance exacte mais qui sont liés au PWT, le parti wallon des travailleurs. Un parti qui dès sa création en 1964 ne réalise pas son objectif de constituer un parti de masse à la gauche du PS mais se retrouve très faible numériquement, alors qu'il est issu à l'origine de la tendance du gauche du PSB. Une nouvelle fois, ce que nous montrions dans un colloque à Rouen avec Jean Faniel (communication La gauche "extrême" en Belgique : du Parti libéral à la gauche anticapitaliste) se concrétise : une tendance importante en interne perd le gros de ses forces et de ses personnalités porteuses quand elle tente une aventure en solo.
Avant de déposer ces documents pour archivage à l'IHOES, je les ai parcouru, notamment un texte de 23 pages datés de septembre-octobre 1969 qui est une longue réponse à une divergence interne avec la section du Brabant Wallon.
Ci-dessous quelques extraits qui font un échos interpellant à des questions et/ou situations actuelles.

p.2: "La démoralisation nous a marqués comme toutes les tendances du mouvement ouvrier en Wallonie. Il faut remarquer, par exemple, qu'aujourd'hui à Liège, le MPW n'a plus aucune vie, le PC n'est plus à même d'organiser d'action autonome un peu étoffée et n'a plus qu'une organisation de jeunesse squelettique qui n'intervient même pas dans le milieu étudiant, que la réunion constitutive d'"objectif 72", qui visait un large rassemblement de gauche à Liège, n'a réuni qu'une centaine de participants, qu'une assemblée générale importante du secteur enseignement de la CGSP n'attire qu'une quarantaine de membres, que la réunion constitutive du Front anti-Otan n'a réuni que 8 personnes, que tout mouvement maoïste a complètement disparu dans la région (...)"

pp.5-6: "Beaucoup de ceux qui avaient assisté à l'assemblée constituante de décembre 1964 rentrèrent dans le rang ou abandonnèrent toute velléité d'action politique. Dès 1965, il était clair que les divisions et les défections allaient empêcher (...) un parti à base de masse se situant à gauche du PSB et du PCB et capable d'évoluer, en cas de crise sociale, vers un parti révolutionnaire"

p.8: (sur la question des masses que l'on désire toucher mais qui ne suivent pas): "S'agit-il des travailleurs qui votent pour le PSB et ont confiance en Collard ou en Simonet ? Mais alors, ne faudrait-il pas rentrer au PSB ? S'agit-il des communistes roses du PCB ? ou de la demi-douzaine de groupuscules maoïstes ? ou des 5 derniers fidèles de Grippa ? Faut-il les rejoindre ? A moins que ce ne soient les petits-bourgeois et les travailleurs essentiellement anti-flamands qui suivent Perin et Duvieusart ? Ou les organisations du MOC encore toujours contrôlées par le PSC ? Ou alors la grande masse des travailleurs démoralisées par tous ceux-là et qui ne croient plus à rien d'autre qu'à une solution individuelle de leurs problèmes ? S'agit-il par contre de ceux qui ne se sont jamais intéressés à la politique et ne s'adonnent qu'au sport commercialisé et aux autres formes d'abrutissement des travailleurs ?"

p.8: "L'expérience montre que les collaborations gouvernementales, sans aucun profit pour les travailleurs, créent chez ceux-ci un malaise qui peut se transformer en réaction salutaire et secouer les appareils. Ce fut le cas par exemple en 1958, après la défaite électorale socialiste, qui suivit quatre années de gouvernement Van Acker. Le congrès du PSB de décembre 1958 vit les incidents fameux d'une offensive de gauche dirigée par les "renardistes". Ceux-ci apparaissaient comme une direction de rechange au mouvement ouvrier. André Genot déchainait l'enthousiasme, en dénonçant en termes éloquents la "mayonnaise de crevettes sans crevettes" des réalisations gouvernementales"

p.10: "Faire confiance à un groupe d'étudiants qui se contente de critiquer la bureaucratie syndicale sans avoir la possibilité forcément de mener la lutte à l'intérieur des entreprises et de proposer des candidats aux élections syndicales de base, c'est croire qu'on pourra téléguider de l'extérieur les luttes ouvrières et qu'une pure propagande intellectuelle peut bouleverser de l'extérieur un syndicat dont les travailleurs ne peuvent de toute manière se passer sans perdre rapidement les droits acquis à l'intérieur du régime actuel"

p.11: "Les fronts peuvent être utiles mais ils sont très difficiles à construire et donc peu efficaces, dans les périodes de recul de la combativité ouvrière, parce qu'ils se constituent à la tête et rassemblent des groupes qui, en ces périodes, ne sont plus capables de mobiliser une base démoralisée"
puis plus loin sur les groupes-collectifs hétéroclites/pluralistes : " on y rencontre surtout des gens qui hésitent éternellement entre toutes les formations politiques, des puristes qui n'en trouvent jamais aucune à leur goût ou des éléments déçus, victimes d'appareils syndicaux ou politiques et incapables de dépasser leur juste rancœur pour participer avec dynamisme à la construction d'une organisation nouvelle"