samedi 18 décembre 2021

Quel antifascisme ? L'exemple de Namur antifasciste (1995-2012)

 Sur base des archives d'un de ses fondateurs et principaux animateurs, j'ai retracé l'histoire de Namur antifasciste, mouvement ayant été actif entre 1995 et 2012. Une analyse à lire sur le site de l'IHOES


 

samedi 27 novembre 2021

L’extrême droite belge francophone racontée par elle-même

 Cet article est paru dans le n°98 de la revue Aide-Mémoire d'octobre-décembre 2021, p.11

 

L’extrême droite belge francophone est une exception dans le paysage politique européen des 50 dernières années. Elle se montre totalement incapable de se structurer et d’obtenir des résultats électoraux significatifs. La parenthèse du FN des années 90 ayant été un feu de pailles suivi de nombreuses divisions, divisions qui ne sont toujours pas finies comme nous le verrons à la fin de cette chronique.

 

Une pauvreté idéologique qui se confirme

Outre le combat antifasciste large et constant auquel elle est confrontée, il faut aussi noter que l’extrême droite belge francophone se distingue par son extrême faiblesse idéologique illustrée par l’absence de publications dépassant le bulletin de liaison, la page Internet ou le post Facebook. Rien à voir avec la foisonnante production française dont cette chronique se nourrit régulièrement. La publication d’un ouvrage, dans une collection française d’ailleurs, est donc un événement en soi. D’autant qu’il est écrit par un des plus vieux militants fascistes en activités, Hervé Van Laethem. Ce dernier n’est autre que le fondateur, et toujours principal dirigeant, du groupe Nation[1]. Son ouvrage sur « les mouvements nationalistes »[2] retrace une histoire dont il fut un acteur. L’introduction rappelle d’ailleurs qu’il milite dans « les mouvements nationaux et la droite radicale » depuis l’âge de 17 ans et il s’étend longuement sur ses 45 jours d’incarcération en 1992 évoquant ses « carnets de prison ».  Le récit se confond d’ailleurs en partie avec ses souvenirs personnels. L’auteur parle ainsi plusieurs fois du témoignage « d’un organisateur de l’époque », « d’un militant »… que l’on soupçonne aisément être lui-même au vu du cahier iconographique où on le retrouve régulièrement (très riche au demeurant et à notre sens l’élément le plus intéressant du livre). L’ouvrage rejoint une collection aux 20 titres déjà parus très significatifs et ce dès les deux premiers numéros consacrés à Degrelle[3] et à Duprat[4]. Mais aussi des numéros sur Tixier-Vignancour[5], le NSDAP[6], Mosley[7], Codreanu[8]… soit des auteurs et des thèmes abordés dans cette chronique.

Le livre de Van Laethem, se montre intéressant sur l’histoire des groupes d’extrême droite dont la filiation avec les mouvements d’avant 45, notamment le Rexisme[9], est explicitée : « pour ce qui est d’organisations plus nationalistes, la première et modeste structure de ce type à se lancer dans cette période d’après-guerre est, en 1950, le Mouvement social belge (MSB) dont le nom est sans nul doute inspiré du MSI italien (…) »[10]. Mais sur le plan idéologique, l’ouvrage est pauvre et ne contient aucune réelle théorisation. On y a plus des confirmations sur le fait que l’anticommunisme, et plus globalement le rejet de la gauche, est un ciment pour les différents groupes qui soutiennent ainsi l’Algérie Française, le Katanga, l’Afrique du Sud, le Sud Vietnam.... « En décembre 1967, le CEN (centre des étudiants nationaux créé en février 1962) implose. Certains de ses membres lancent alors un groupe intitulé Jeune garde d’Occident. Au printemps 1968, ils le rebaptisent Occident tout court. En effet, à la même époque, en France Occident fait beaucoup parler de lui (…) Le mouvement se fait remarquer par un activisme dur qui, pour l’essentiel, consiste à vandaliser des locaux de gauche et à affronter physiquement les groupes gauchistes (…) »[11]. Cet extrait est intéressant également sur le fait qu’il souligne l’influence de la France, le livre se termine d’ailleurs par une citation de Pierre Vial[12], mais aussi l’aspect combat physique contre l’adversaire. Pour Van Laethem les choses sont d’ailleurs clairs : « « La rue appartient à celui qui y descend ! », ce vieil adage a été une réalité pour plusieurs générations de militants nationalistes qui ont affronté parfois durement les bandes gauchistes ou la police du pouvoir. Personnellement, je crois que ce type d’activisme de rue est la meilleure école politique qui soit ! »[13]. C’est dans cette logique qu’à la fin des années 90 il va organiser une agitation importante contre les mobilisations de sans-papiers : « Une vague d’occupation d’églises par des sans-papiers, nouveau mode d’action subversive organisé et encadré par des activistes gauchistes, permet aux « orphelins » de rebondir et de rester mobilisés. Un comité pour l’expulsion des faux réfugiés est lancé, ouvert à toutes les sensibilités nationalistes. Ce comité organise, du 7 novembre 1998 au 30 janvier 1999, une campagne intitulée « touchez pas à nos églises ! »[14]. Et d’y retrouver évidemment la critique envers les antifascistes « Verviers le 11 novembre 1998. (…) Le comité passe une nouvelle fois à l’action devant l’église d’un pittoresque petit village wallon, Lambermont, occupée elle aussi. L’église, ou plutôt les « réfugiés » amassés à l’intérieur, sont « défendue » par une quarantaine de membres du Front antifasciste (FAF), ramassis de gauchistes, de marginaux et de quelques politiciens traditionnels, pour une fois bien à leur place aux côtés des chiens de garde du système que sont les « antifas » »[15]. On notera par ailleurs ce constat, qui distingue la tendance d’extrême droite de Van Laethem d’autre abordée ici : « La leçon de ces péripéties est simple : travailler avec la droite classique est contre-productif et ne mène à rien, si ce n’est à perdre son âme, comme tend à le démontrer toute une génération de militants « perdus », certains ayant même des parcours tragiques »[16]

 

Une filiation évidente, et des alliances avec la Flandre

« Dans l’immédiat après-guerre, les nationalistes des deux parties du pays sont, bien évidemment, tous touchés par une répression souvent aveugle. Répression motivée, avant tout par la volonté de décapiter toute la famille de pensée « de droite »[17]. Une répression qui ne passe pas, fin des années 90 encore une des actions consiste à fleurir l’entrée du zoo d’Anvers : « en souvenir des centaines de collaborateurs qui, à la Libération, y ont été parqués et maltraités lors de l’épuration »[18]. Mais de souligner une différence entre le « nationalisme » flamand qui dès 1949 voit l’ancêtre de la VU se constituer et s’appuyer sur le VMO assurant le service d’ordre. La répression ne l’abat pas car il y un aspect de « libération nationale » inexistant en Wallonie. Pour cette dernière après le MSB déjà évoqué, ce sera MAC (Mouvement d’action civique issu du Comité d’Action et de Défense des Belges d’Afrique créé en juillet 1960), relais de l’OAS[19] en Belgique qui jouera un rôle important et qui mutera en Jeune Europe, mouvement qui utilisera la croix celtique et a comme idéologue Jean Thiriart. L’ouvrage évoque surtout toutes une série de petites structures à la vie éphémère mais qui arrive à passer le relais. Ainsi du « parti européen EPE. Il est fondé en 1971 par Jacques Borsu, ancien chef des groupes d’action de Jeune Europe et ancien officier du mercenaire français Bob Denard (…) Le mouvement très hiérarchisé utilise la chemise bleue de Jeune Europe »[20].  J. Borsu dont Van Laethem précise qu’il a donné son nom au centre de formation de Nation. Impossible évidemment de ne pas évoquer le rôle pivot du « Le nouvel europe magazine (NEM). Créé à la Libération par les services anglo-américains pour faire de la propagande anti-communiste. « Europe Magazine » est repris par emile Lecerf (1929-1990). Il devient alors le Nouvel Europe Magazine »[21] Le Nouvel europe magazine qui est destiné à faire la transmission avec une certaine droite politique, notamment le CEPIC, le centre d’étude du Parti Catholique. Sont aussi évoquées Agir, REF[22], Bloc Wallon…

Le lien avec les mouvements flamands s’explique par la faiblesse en Belgique francophone : « Nous étions jeunes, assoiffés d’action et totalement déçus par une extrême droite francophone inactive et désorganisée. Nous nous sommes donc tournés vers les gens qui bougeaient, c’est-à-dire les nationalistes flamands qui grosso modo avaient les mêmes ennemis que nous : les gauchistes, le lobby immigrationniste, le système politique dans son ensemble… »[23]. Le noyau du VMO francophone à Bruxelles donnera ensuite naissance à l’Assaut dont Nation est l’héritier. Van Laethem consacre d’ailleurs plusieurs pages au VMO, dont il précise que nombre d’élus du VB sont issus, et à son chef Bert Eriksson ainsi qu’au local anversois ODAL.

 

Un nouveau venu… Chez nous

L’historique ici présenté s’arrête en 2000, année de création de Nation dont il explique que l’histoire mériterait un autre ouvrage. Les vicissitudes et multiples scissions/recompositions de l’extrême droite belge francophone du 21e siècle ne sont donc pas abordées dans son étude. Si l’objet de cette chronique n’est pas de combler ce trou, signalons cependant qu’après la scission de Nation donnant naissance au Parti National Européen (PNE), un nouveau venu est apparu : Chez nous.

Le slogan « chez nous » n’est pas nouveau au sein de la galaxie d’extrême droite belge francophone[24]. Il est depuis juin 2021 le nom d’un nouveau parti d’extrême droite créé par Gregory Vanden Bruel (ancien du Parti Populaire dont il était rédacteur en chef du journal) et Jérôme Munier (passé lui aussi par le PP avant de rejoindre les listes Destexhe). Deux second couteaux aspirant à la lumière mais au parcours déjà bien identifiable. Bien que de présentation moderne, le site du parti n’énumère que des thématiques, discours et idées présentent depuis les années 90 dans tous les programmes issus des formations d’extrême droite. A commencer évidemment par l’obsession de l’immigration musulmane et l’insécurité. Mais aussi la défense de « nos valeurs chrétiennes », la lutte contre la fiscalité, contre la gauche… le tout mâtiné d’un petit discours envers les travailleurs, les pensionnés… A ce niveau le « quiz » pour savoir si on partage les valeurs et les idées du parti est un modèle du genre. Bref « chez nous » n’est qu’une énième déclinaison de l’extrême droite dont il n’est par ailleurs nullement certains qu’elle tiendra jusqu’à l’échéance électorale de 2024.



[1] Voir Identitaire ou nationaliste : en un mot Fasciste ! in AM n°88 d’avril-juin 2019.

[2] Van Laethem, Hervé, Les mouvements nationalistes en Belgique. De 1950 à 2000 « Cahiers d’histoire du nationalisme » n°19, Paris, Synthèse nationale, 2020

[3] Voir Léon Degrelle et le Rexisme in AM n°23 de janvier-mars 2003, « Tintin-Degrelle » une idéologie au-delà de la polémique in AM n°50 d’octobre-décembre 2009 et n°51 de janvier-mars 2010

[4] Voir Plongée chez les radicaux de l’extrême droite in AM n°76 d’avril-juin 2016

[5] Voir La cohérence d’un engagement in AM n°40 d’avril-juin 2007

[6] Voir notamment Joseph Goebbels. Combat pour Berlin in AM n°17 d’avril-juin 2001, « Mon Combat » d’Adolf Hitler, une autobiographie… in AM n°20 de Janvier-mars 2002, «Mon Combat » d’Adolf Hitler, un programme… in AM n°21 d’avril-juin 2002 Force, Joie et Travail! In AM n°45 de juillet-septembre 2008, et Le Nazisme ne se résume pas à « Mein Kampf » n°75 de janvier-mars 2016

[7] Voir Le nationalisme européen de l’extrême droite in AM n°35 de janvier-mars 2006

[8] Voir La spiritualité au cœur de la doctrine in AM n°61 de juillet-septembre 2012

[9] Voir Quand l’extrême droite tente de se justifier in AM n°96 d’avril-juin 2021

[10] P.15

[11] P.31

[12] Voir La tendance païenne de l’extrême droite in AM n°38 d’octobre-décembre 2006

[13] P.115

[14] P.99

[15] P.100. Sur l’antifascisme vu par l’extrême droite, voir L’antifascisme, le nouveau fascisme ? in AM n°94 d’octobre-décembre 2020

[16] P.40. Voir notamment notre précédente chronique : Un condensé de la pensée d’extrême droite in AM n°97 de juillet-septembre 2021, Mais aussi : De la porosité de la droite envers l’extrême droite in AM n°84 d’avril-juin 2018

[17] P.13

[18] P.92, note 65. Voir Le « résistantialisme », un équivalent au négationnisme in AM n°44 d’avril-juin 2008

[19]  Voir La pensée « contrerévolutionnaire » in AM n°36 d’avril-juin 2006 et Quand la résistance et le droit d’insurrection sont-ils justifiés ? in AM n°55 de janvier-mars 2011

[20] P.28

[21] P.39

[22] Voir Ref. L’espoir wallon. Histoire du mouvement (1995-1998) in AM n°16 de janvier-mars 2001

[23] P.82

[24] Voir Un « on est chez nous » d’exclusion in AM n°81 de juillet-septembre 2017

 

vendredi 20 août 2021

Un condensé de la pensée d’extrême droite

 Cet article a été publié dans le n°97 de juillet-septembre 2021 de La revue Aide-mémoire, p.11

Les présidentielles en France sont déjà dans toutes les têtes. Et un duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen au second tour est hautement probable, à défaut d’être souhaitable. Occasion de nous intéresser à une figure de l’extrême droite française qui a dès à présent réédité son soutien à Marine Le Pen qu’il affirmait avec force dans un livre publié en 2016[1]

Un parcours bref à gauche, mais bien à droite depuis 20 ans

Robert Ménard est né le 6 juillet 1953 à Oran quand l’Algérie était encore française. L’exil vers la France début des années 60 sera douloureux. Issu d’une famille très catholique dont le père et un oncle s’impliqueront dans les mouvements contre l’indépendances algériennes[2]. Après une scolarité dans un collège religieux il a un bref passage à gauche (trotskiste puis socialiste) avant de se lancer dans le journalisme, notamment avec la fondation de l'association "Reporters sans frontière" dont il sera le secrétaire général. Chroniqueur dans des grands médias (RTL, I-Télé…) ses positions deviennent ouvertement de plus en plus à droite à partir de la fin de la première décennie des années 2000, alors qu’il s’est remarié avec une catholique traditionnaliste proche de civitas et de la Manif pour tous, élue députée en 2017 avec l’appui du FN. Ménard est élu maire de Béziers en 2014 sur une liste soutenue par Debout la France, Rassemblement pour la France et surtout le Front National[3]. Il fera campagne de nouveau avec le FN pour les départementales de mars 2015. Et est réélu dès le premier tour en 2020. Preuve d’une certaine réussite dans le phagocytage de la droite local, il arrive dans la foulée à être élu président de l’intercommunalité « Béziers Méditerranée » ce qui représente une première. Depuis 20 ans, Robert Ménard incarne donc cette droite extrême qui travaille à l’alliance entre les différents partis de droite et le Rassemblement National[4].

Le contenu de son abécédaire ne réserve d’ailleurs aucune surprise sur les thèmes développés et condense le corpus de base de l’idéologie d’extrême droite, à commencer par le caractère d’urgence face à une menace civilisationnelle : « Nous sommes des millions à le penser : la France est en train de crever. Nous sommes en train de crever (…) Cette mort que nous sentons venir, c’est la mort de quinze siècles d’histoire de France, de plusieurs millénaires de civilisation européenne »[5]. L’auto positionnement de Robert Ménard est tout aussi clair : de droite réactionnaire populiste, positivant les trois termes, ayant mis sa fille dans l’enseignement privé catholique[6]. Et d’expliciter les mots pouvant être utilisés pour ne pas dire d’extrême droite : « Souverainiste : mot employé par les gens bien élevés pour ne pas dire nationaliste. Le terme de « patriote » est également employé comme synonyme. Dans tous les cas, désigne une personne qui a le toupet de vouloir rester maîtresse chez soi et de ne pas être « remplacée » »[7]

L’obsession de l’immigration musulmane

Le thème du « grand remplacement » par l’immigration musulmane est omniprésent dans le livre :  « Or le temps presse. A raison d’un million à un million et demi par an de réfugiés supplémentaires en Europe, nous laissons se renforcer des ghettos, nous en créons de nouveaux, nous transformons peu à peu toute la France en autant de Seine-Saint-Denis, de Vénissieux ou de quartiers nord de Marseille. Bref, chaque jour qui passe, nous laissons des renforts arriver pour une armée qui, un jour, peut-être, se lèvera »[8]. Si les immigrations précédentes sont complètement idéalisées, le discours ici ne porte en plus que sur une immigration totalement assimilée à l’Islam[9] : « Comment acclimater l’islam à la France ? Bien évidemment aucune réponse valable n’a encore été apportée. Faire entrer un rond dans un carré est impossible. On peut faire semblant d’essayer, on peut faire semblant d’y parvenir. Pas davantage. Pourquoi ? Car l’Islam n’est pas une religion. Elle est une loi, elle est une civilisation, elle est un objet politique. »[10]. Cette obsession lui fait voir la question de la démographie comme le nerf de la guerre, écrire que la guerre sexuelle est en cours via les viols par les migrants, que le halal est évidemment dangereux… au point de consacrer une page et demi, ce qui est énorme par rapport à la moyenne des définitions de son ouvrage, à la question des kebabs à Béziers ! Dans un tel contexte, inutile de préciser qu’une place est réservée au « racisme anti-blanc » et à l’impossibilité du vivre ensemble qui est un leurre, tout comme l’hypocrisie de l’intégration républicaine qui est même une menace car permet l’infiltration des musulmans dans les forces de police et au sein de l’armée, particulièrement en cas de service militaire obligatoire auquel il préfère donc l’instauration d’une milice qui ne dit pas son nom : « de même qu’il existe aujourd’hui en France des quartiers et des écoles presque entièrement musulmans, nous aurions par le simple jeu de la démographie, des unités entières quasi exclusivement constituées de musulmans. Avec quelle proportion de radicaux ? Ce serait un pas de plus vers la libanisation. C’est la raison pour laquelle, avec Oz ta droite, nous voulons une garde nationale composée de volontaires, n’ayant pas la double nationalité et constituée sur une base départementale. On défend mieux sa maison que celle de son voisin. »[11] 

Les classiques de l’extrême droite

Nous l’avons déjà dit, le livre de Robert Ménard ne développe pas une seule pensée originale mais aligne les classiques poncifs de l’extrême droite. Outre l’extrême droite, on retrouve une opposition à la décroissance, à la parité, à une Ligue des droits humains instrumentalisés, à un enseignement et au journalisme tout deux monopolisé par la gauche dès les écoles de formation. Sur les médias, il reconnait avoir fait du journal municipal Journal de Béziers un organe de combat notamment contre la presse locale. Et d’évoquer les réseaux sociaux sans, de manière significative, en questionner les propriétaires ce qui est toujours étonnant chez des gens se disant antimondialiste : « Il me semble que le principal intérêt des réseaux sociaux n’est pas l’information qui y circule, mais la parole qui libère »[12]. Cette parole libérée, c’est celle qui réhabilite la colonisation face à la repentance : « Derrière la vieille idéologie tiers-mondiste, anticolonialiste, ce sont les intérêts de la globalisation qui avancent. Dans le chaos mondial qui s’étend maintenant sur notre sol, l’instinct de conservation vaut plus que toute idéologie »[13]. C’est celle qui réaffirme l’intérêt de la peine de mort : « En refusant à l’Etat le droit de tuer un tueur, la gauche n’a pas mis fin à la loi du Talion, comme elle le prétend volontairs. Car la loi du talion était une vengeance privée. En supprimant la peine de mort, la gauche a ébranlé le sommet de la pyramide de la justice. Depuis, de Badinter à Taubira, tout le reste ne cesse d’y passer »[14]. Ce reste, c’est notamment les lois contre la famille « traditionnelle » : « En disant que je préférerais que ma fille soit hétérosexuelle, normale comme on disait il y a encore vingt ans, je pense être en accord avec le plus grand nombre de parents »[15] et pour l’avortement : « L’avortement est un sujet interdit. Les féministes militantes disent : mon ventre m’appartient. C’est sans doute pour cela que, généralement, elles ne font pas d’enfants ou presque pas. Il y aurait une réflexion à mener de ce côté (…) il y a une chose qui, de mon point de vue, est évident : Ce sont des vies que l’on tue dans le ventre de leurs mères. (…) Proclamer que l’embryon n’est pas une vie est une absurdité »[16].

L’espoir d’une percée de l’extrême droite

Face à ce délitement Béziers est présentée comme un laboratoire devant montrer que le Rassemblement National et ses alliés de droites peuvent gérer correctement une ville et donc exercer le pouvoir. Avec des idées claires : « L’argument du social est un leurre. La population française n’a pas besoin de davantage de logements sociaux. Elle a juste besoin de pouvoir accéder à ceux qui existent déjà en y vivant paisiblement »[17]. Et d’évidemment ne pas oublier le passage obligé par la case anti-fiscalité de défenses des petits patrons indépendants : « Les petits patrons sont plus traqués par l’Etat que les dealers. (…) Ce que doivent subir les entrepreneurs de la part du RSI est au-delà du réel. C’est un racket d’état »[18]. Tout comme celui favorable à une société inégalitaire hiérarchisée : « C’est en faisant le choix de créer des élites, d’admettre des hiérarchies, que l’on élève les êtres et les sociétés. L’égalité est criminelle »[19]

C’est clairement à une alliance des droites que Ménard travaille car : « Je suis persuadé que l’élection présidentielle se gagnera à droite, c’est-à-dire en étant de droite, en incarnant des valeurs de droite : protection et donc autorité, entreprise et donc liberté, confiance en soi et donc identité »[20]. En cela, le fait de terminer son livre par l’entrée « Zemmour » est tout sauf anecdotique : « Il a choisi la liberté. Grâce à lui, des millions de français ont été décomplexés. L’histoire retiendra sans aucun doute son influence sur l’opinion publique. Libérant les esprits, il a ouvert la voie à tous les possibles politiques »[21], surtout liée à cette injonction devant servir d’avertissement à tou·tes les démocrates : « Si un mouvement patriote prend le pouvoir, il devra aussitôt travailler sur un mode de salut public. Décider vite, agir vite, changer vite, protéger vite, frapper vite »[22]



[1] Ménard, Robert, Abécédaire de la France qui ne veut pas mourir, Paris, Pierre Guillaume de Roux, 2016

[2] Voir Quand la résistance et le droit d’insurrection sont-ils justifiés ? in AM n°55 de janvier-mars 2011 et Un rebelle d’extrême droite in AM n°90 d’octobre-décembre 2019

[3] Voir Retour sur le discours du fondateur de la dynastie Le Pen in AM n°56 d’avril-juin 2011

[4] Voir De la porosité de la droite envers l’extrême droite in AM n°84 d’avri-juin 2018

[5] p.7

[6] Voir La Loi du décalogue in AM n°64 d’avril-mai-juin 2013

[7] P.146

[8] Pp.13-14

[9] Voir Danger : Invasion ! in Am n°22 de juillet-septembre 2002

[10] P.77

[11] P.143

[12] P.134

[13] P.74

[14] P.111

[15] P.67

[16] P.15 Voir La réaction réactionnaire à balance ton porc in AM n°92 d’avril-juin 2020

[17] P.131

[18] P.108 Voir Le Poujadisme : un populisme d’extrême droite in AM n°52 d’avril-juin 2010

[19] P.16 Voir L’inégalité comme étoile polaire de l’extrême droite in AM n°66 d’octobre-décembre 2013

[20] P.50 Voir De la nuance entre droite radicale et extrême droite in AM n°77 de juillet-septembre 2016

[21] P.163

[22] P.141