samedi 14 novembre 2009

Reconquista


Le collectif "Le Ressort", dont je suis un des membres publie son premier livre :


Reconquista !

Premiers rebonds
du collectif Le Ressort


« Ouvrir des perspectives aux luttes pour plus de solidarité et d’égalité
dans ce monde dominé par l’égoïsme, la marchandisation et l’injustice faite au plus grand nombre »


Préface d’Alain ACCARDO

Dessins de Stiki

Editions du Cerisier

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Souscris à l’achat de ...... exemplaire(s) du livre au prix préférentiel de 8,40 € l’unité au lieu de 10,50 € (prix public franco de port).

J’effectuerai le paiement par virement au compte 877-4601301-22 des Editions du Cerisier à la réception de l’ouvrage.

Date ……………… Signature .............................


A renvoyer avant le 30 novembre 2009 aux Editions du Cerisier
20, rue du Cerisier, 7033 Cuesmes
Tél.-fax : 065 / 31 34 44
editionsducerisier@skynet.be

Sortie publique du livre : décembre 2009


Le Collectif Le Ressort

Minervina Bayon, Yannick Bovy, Didier Brissa, Pierre Castelain, Isabelle Chevalier, Vincent De Raeve, Julien Dohet, Pierre Eyben, Raoul Hedebouw, Marc Jacquemain, Eric Jadot,

Christian Jonet, Michaël Lambert, Aïcha Magha, Alice Minette, Laurent Petit, Michel Recloux, Olivier Starquit, Nicole Van Enis, Karin Walravens.

http://ressort.domainepublic.net/spip/


Souscription pour une enquête sur l'assassinat de Julien Lahaut

A l'initiative de Véronique de Keyser, une souscription a été lancée pour récolter la somme nécessaire au financement d'une étude par le CEGES sur l'assassinat du député Julien Lahaut (sur cette étude voir ici, pour une biographie de Julien Lahaut voir ici).
Il est en effet important de faire toute la lumière sur ce meurtre politique unique dans l'histoire de la Belgique.
Voici le communiqué de presse faisant suite à la conférence de presse que Véronique De Keyser a tenu ce vendredi 13 novembre :

"Merci à tous ceux qui ont pu venir à la conférence de presse ce matin, camarades, représentants des milieux syndicaux et communistes, personnalités politiques - Josy Dubié Sénateur honoraire écolo, Jean-Maurice Dehousse ex-Ministre de la police scientifique PS, Marc Bolland Député-Bourgmestre de Blegny PS, Muriel Geerkens chef de groupe écolo à la Chambre - mais aussi à vous tous qui avez si gentiment pris le temps de me répondre.

Cela fait 60 ans bientôt, qu’une véritable enquête sur la mort de Julien Lahaut est reportée. Le 18 décembre 2008, le Sénat votait une résolution relative à la réalisation d’une étude scientifique sur l’assassinat de Julien Lahaut (vote n°18 – présents : 41 ; pour : 41 ; contre : 0 ; abstentions : 0). L’argent devait venir du Fédéral. Mais la Ministre Sabine Laruelle refuse de débloquer les fonds nécessaires.

Dans toute démocratie, il est nécessaire de faire la vérité sur un passé parfois trouble mais qui peut être instructif pour l’avenir. C’est pourquoi, ensemble, nous devons avoir ce sursaut citoyen qui permettra de mener à bien la recherche de la vérité.

Ainsi, celles et ceux, citoyens ordinaires, entreprises, associations, mouvements, qui souhaitent soutenir cette initiative, peuvent participer en envoyant un don au compte Fortis 001-5981690-67 au nom de « Souscription Julien Lahaut ». Mentionnez bien dans la communication si vous voulez être cité dans la liste des donateurs (sans mention des montants versés) qui apparaîtra ici-même sur mon site, sur lequel vous trouverez aussi des informations régulières quant à la souscription. Un comité d’accompagnement suivra ce fond, ainsi qu’un réviseur aux comptes. Tout l’argent ira à la recherche, aucun frais administratif n’en sera prélevé. Si dans les six mois, nous n’arrivions pas à notre objectif, ou si une solution intervenait au niveau gouvernemental, les sommes reçues seraient immédiatement reversées à leurs donateurs."

Cette conférence de presse a été relayé par plusieurs médias, notamment:

- RTC du 13.11

- La Libre du 14.11. On s'intéressera notamment aux commentaires.

- RTBF-info du 13.11

Bonne gouvernance ou éthique en politique ?

Ce nouveau texte du collectif "Le Ressort" est cosigné par Didier Brissa, Pierre Eyben, Michaël Lambert, Michel Recloux et Olivier Starquit.
Il a été par La Libre le vendredi 13 novembre 2009, p.

Le vocable bonne gouvernance a récemment fleuri en Belgique francophone pour se retrouver dans les pages de la déclaration gouvernementale de l’Olivier.

Ce vocable débarque dans les affaires politiques dans les années 1990. Décrivant au départ un nouveau mode de gestion des entreprises privées, il va devenir le modèle de la gestion publique.

La notion, et les pratiques qu’il désigne, participe à brouiller la différence entre État et société, entre sphère publique et sphère privée. Il constitue ainsi le signifiant d’une nouvelle façon de gouverner la société, caractérisant par une prise de décision où tout le monde est partenaire de tout le monde.

« Ses autres traits caractéristiques sont une hypertrophie du pouvoir exécutif, la perte de toute substance du travail législatif parlementaire et sa mise en concurrence avec la société civile qui se substitue au peuple souverain. » [1]

La gouvernance vise en fait à « délégitimer les techniques de la démocratie représentative [2] » et représente « le point nodal d’un programme politique conservateur qui concurrence le modèle de l’État-nation basé sur la démocratie représentative afin d’œuvrer à la mise en place d’un nouveau régime politique antagonique à la démocratie » [3].

En somme, notion controversée, « la gouvernance traduit bien la destruction de ce qui impliquait une responsabilité collective, c’est-à-dire la politique. Il ne s’agit plus de politique mais de gestion » [4].

Est-ce vraiment ce qu’Écolo vise lorsqu’il utilise ce terme ? Ne serait-il pas plus judicieux de parler d’éthique en politique au lieu de ce cheval de Troie idéologiquement néolibéral ?

L’éthique requiert de restreindre le cumul des mandats, car la concentration du pouvoir dans une seule main indique que le pouvoir ne se partage pas et que les instruments de contrôle sont absents.

Des mesures en cascade sont et seront prises.

Mais le point aveugle de ces mesures, pour restaurer la confiance entre le citoyen et les institutions, n’est-il pas de refuser d’apporter des changements radicaux à la manière de faire de la politique ? La professionnalisation (et la pénurie de personnel politique) ne participe-t-elle pas à cette évolution néfaste ? La politique est-elle un métier ? [5] Pourquoi le congé politique n’est-il pas élargi au secteur privé ? Pourquoi l’idée de permettre l’exercice d’un mandat politique seulement deux fois de suite (de préférence en l’absence de dérogation), ne pourrait-elle pas être étendue à l’ensemble des partis politiques ?

Dans les faits, qui siège à la Chambre, abstraction faite des professions libérales, des enseignants et des journalistes ? Combien d’ouvriers trouve-t-on au sein de cette enceinte censée être un reflet de la société ? Ceux-ci forment pourtant 37% du salariat [6]. Les conditions d’accès à la représentation politique ne reposent-elles pas sur un cens [7] social caché ? La professionnalisation crée une coupure entre les représentants politiques spécialisés et les autres acteurs sociaux mis dans une position de profanes. La lutte des places, tendant à se substituer à la lutte des classes, coupe les mandataires politiques des revendications des groupes sociaux qui les soutiennent et induit une déconnexion par rapport à la réalité de terrain : ainsi, lors de la suppression des tranches d’imposition au-dessus de 50%, est-il anodin de rappeler que les députés votaient aussi pour eux ?

D’ailleurs, cette professionnalisation entraîne la création de divers outils (asbl, SA) faisant office de parachute en cas de revers électoral. Cela ne concerne pas seulement les intercommunales, actuellement dans l’œil du cyclone. Ces structures publiques ou semi-publiques ont été créées pour faire sortir de l’économie de marché une série de services indispensables à la collectivité. Elles n’ont initialement pas été fondées pour fournir des postes aux hommes et femmes politiques en manque de mandats. Cependant, cette évolution, ainsi que les dérives engendrées par la volonté de certaines intercommunales de se comporter comme n’importe quelle entreprise privée en dépit de leur statut public, sont favorisées par l’absence d’outils de contrôle démocratiques ou leur contournement.

Nous veut-« on » citoyens mais pas trop, et seulement pour approuver ? En somme, la véritable question est de savoir ce que l’on entend par démocratie. Ne faudrait-il renoncer à la démocratie représentative pour lui substituer une démocratie participative ? Mais cette participation démocratique est-elle compatible avec le mode de vie à flux tendus qui nous est imposé et qui empêche réappropriation et réhabilitation de la politique ? La réduction du temps de travail avec maintien des revenus et embauches compensatoires pourrait dans ce cadre s’avérer une piste à suivre. Par opposition aux préceptes de la Commission trilatérale [8] pour laquelle « le fonctionnement efficace d’un système démocratique requiert en général un certain niveau d’apathie de certains individus et groupes [9] » , cette réappropriation impliquerait l’abandon du cocon de la critique au balcon, pour devenir soi-même acteur de son propre devenir collectif.

Si la démocratie est le pouvoir du peuple, ce « pouvoir du peuple est le pouvoir propre à ceux qui n’ont pas plus de titre à gouverner qu’à être gouvernés » [10].
P.-S.

Une version plus courte a été publiée le 13 novembre 2009 dans La Libre Belgique : la version abrégé de ce nouveau texte du Ressort.

Notes

[1] STARQUIT O., L’individu privatisé, le service public pour la démocratie, Bruxelles, Espace de libertés, 2009, pp. 29-30.

[2] ARONDEL Ph., ARONDEL-ROHAUT M., Gouvernance, une démocratie sans le peuple, Paris, Ellipses, 2007, p. 175.

[3] GOBIN C., « Gouvernance », in Les nouveaux mots du pouvoir, un abécédaire critique, DURAND P.(dir.), Bruxelles, Aden, 2007, p. 265.

[4] STENGERS I., Au temps des catastrophes, résister à la barbarie qui vient, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2009, p. 67.

[5] Si elle l’est, les députés ne pourraient-ils percevoir des allocations de chômage à la fin de leur mandat ? Mettant ainsi fin à la polémique sur le montant des indemnités de sortie.

[6] Statistiques de l’ONSS pour le deuxième trimestre 2009.

[7] Montant, quotité d’imposition nécessaire pour être électeur ou éligible, dans un suffrage censitaire.

[8] Organisation privée créée en 1973 regroupant 300 à 400 dirigeants et intellectuels dont le but est de promouvoir et de construire une coopération politique et économique entre l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie Pacifique.

[9] Cité dans HALIMI S., Le grand bond en arrière, Paris, Fayard, 2004, p. 249.

[10] RANCIÈRE J., La haine de la démocratie, Paris, La Fabrique, 2005, p. 54.

vendredi 6 novembre 2009

Quand le premier employeur privé au monde fait du prosélytisme religieux

Cet article a été publié dans Espace de Libertés n°380 de novembre 2009, p.23


Avec la crise, l’obsession du « pouvoir d’achat » et du moindre coût est venu au devant de la scène avec encore plus d’acuité. Le débat a notamment porté sur les Hard-discounter dont le modèle par excellence est le premier employeur privé dans le monde. La société Wal-Mart est un modèle de mondialisation, on serait tenté de dire est la mondialisation.

Il y a énormément à dire sur Wal-Mart et son modèle économique[1] dont certains aspects sont tellement poussés qu’ils sont même illégaux pour les USA : « La situation est telle qu’en 2007, l’organisation de défense des droits de l’homme Human Right Watch publie un rapport de plus de 200 pages sur Wal-Mart, avec pour titre : « droits au rabais. Wal-Mart bafoue le droit des travailleurs américains à la liberté syndicale ». Du jamais vu »[2]. Deux journalistes français ont décortiqué ce « modèle » social dans un livre agréable à lire et fort bien documenté. L’ouvrage n’est ni le seul, ni le premier, à se pencher sur cette société. Il nous intéresse ici dans la mesure où il démontre des liens peut-être moins connus entre la religion et la vision sociale appliquée dans la multinationale.

Pour comprendre ces liens, il faut connaître l’histoire de Wal-Mart et plus particulièrement de son fondateur Sam Walton. Celui-ci est le modèle type du WASP de l’Amérique profonde. Il est aussi représentatif du rêve américain puisqu’il s’agit d’un self-made man qui a ouvert sa première épicerie en 1962 dans l’Arkansas. « Avec Wal-Mart, c’est résolument le monde agraire, conservateur, qui triomphe. Encore aujourd’hui, l’organisation de l’entreprise n’est pas étrangère à ce monde-là. Qu’il s’agisse de l’interdiction de fait des syndicats, inconnus et très mal vus dans les campagnes, ou encore les bas salaires. »[3]. Ces derniers, ainsi que le temps partiel généralisé, s’expliquent notamment par le fait que dans les campagnes américaines où s’est d’abord développé Wal-Mart, l’épouse du fermier ne cherchait qu’un revenu complémentaire et non un revenu principal pour faire vivre sa famille. « Ce lien entre business et religion se retrouve également dans le recrutement de Wal-Mart : l’entreprise s’est en effet appuyée sur les universités religieuses de la région pour embaucher ses managers. »[4].

Cette mentalité influencée par la religion est également présente dans le fait de ne jamais dépenser un dollar superflu, notamment dans les frais de représentation. Mais la puissance prise par les magasins Wal-Mart à des conséquences qui ne se limite à la vie dans l’entreprise où chez ses sous-traitants. Elle permet également d’influencer la société dans son ensemble : « Bien entendu, Sam Walton est conservateur et « bon chrétien ». Il soutient les efforts de l’Eglise presbytérienne à laquelle la famille appartient, et à même créé une fondation, récompensant la créativité des volontaires chargés de faire partager leur foi au voisinage. En 1991, le fonds contient six millions de dollars, dont trois destinés au grand prix du prosélytisme. Une foi qui s’accommode mal de la contraception par exemple. Wal-Mart a ainsi tenté de refuser de vendre la pilule du lendemain, mais a été forcé de le faire par la justice, en 2006. On est croyant, et anticommuniste, aussi. En 1985, Wal-Mart finance un programme pour endiguer la vague communiste en Amérique centrale et promouvoir les valeurs capitalistes. »[5]

S’intéresser à de tel modèle économique est donc bien du ressort de la laïcité tant sur le plan de la libre-pensée que de la démocratie. Car comme le dit bien la journaliste américaine Barbara Ehrenreich à partir de l’exemple de Wal-Mart : « Si donc les employés à bas salaire ne se comportent pas toujours conformément à la rationalité économique, c’est-à-dire comme des agents libres dans une démocratie capitaliste, c’est parce qu’ils travaillent dans un environnement qui n’est ni libre ni démocratique. Quand vous entrez dans l’univers des bas salaires – et des salaires moyens dans de nombreux cas – vous abandonnez vos libertés civiques à la porte, vous laissez derrière vous l’Amérique et tout ce qu’elle est censée représenter, et vous apprenez à ne pas desserrer les lèvres pendant votre journée de travail. Les conséquences de cette reddition vont bien au-delà des questions de salaire et de pauvreté. Il nous est difficile de prétendre être la première démocratie du monde, lorsqu’un grand nombre de nos concitoyens passent la moitié de leur temps de veille dans un environnement qui est l’équivalent, pour le dire en termes simples, d’une dictature. »[6]



[1] Voir Dohet Julien, La démocratie menacée par le travail précaire in Les Mondes du travail, n°7 de juin 2009, pp.145-147

[2] Gilles Biassette et Lysiane J. Baudu, Travailler plus pour gagner moins. La menace Wal-Mart. Paris, Buchet-Chastel, 2008, p.188.

[3] p.59

[4] p.65

[5] p.75

[6] Barbara Ehrenreich, L’Amérique pauvre. Comment ne pas survivre en travaillant. Collection « Fait et cause », Paris, Grasset 10-18 (n°3797), 2004, p.318.