Cet article a été publié dans le n°42 de la revue Aide-mémoire d'octobre-novembre-décembre 2007, p.7
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Tel père, tel fils.
Jacques Ploncard D’Assac est né le 13 mars 1910 à Chalon-sur-Saône. Marqué très jeune par les écrits d’Edouard Drumont[1] et de Charles Maurras[2], il rejoint les rangs de l’Action Française alors qu’il n’a que 17 ans. Neuf ans plus tard, en 1936, il change de parti et rallie le Parti Populaire Français (PPF) nouvellement créé par Jacques Doriot. Décoré de la Croix de Guerre pour son action durant la guerre de 1939-1940, Ploncard d’Assac s’implique dès le lendemain de la défaite dans le gouvernement de Vichy dirigé par le Maréchal Pétain. Avec Henry Coston et Bernard Faÿ il travaille au dépouillement des archives maçonniques et devient ainsi un « spécialiste de l’action occulte de la Franc-Maçonnerie et des lobbies » pour reprendre les termes d’un de ses biographes[3]. Décoré de la Francisque , Ploncard d’Assac anticipe la fin de la guerre et se réfugie au Portugal où il devient un des conseillers de Salazar. Il échappe ainsi à trois condamnations à mort. Au Portugal, il multiplie les activités de propagande via la radio « La Voix de l’Occident » et une production écrite pléthorique dont de nombreux titres seront traduits en plusieurs langues. Il profite des lois d’amnistie proclamées sous la présidence de Georges Pompidou pour revenir en France. Il y poursuit inlassablement son combat dans des journaux comme Jeune Nation ou Aspect de la France , centrant principalement son propos sur la dénonciation des ennemis qui se cachent au sein de l’église et des mouvements nationalistes. Avec son décès le 20 février 2005 le nom de Ploncard d’Assac ne disparaît pas du paysage de l’intégrisme catholique français puisque son fils, Philippe, avait repris depuis plusieurs années les mêmes lubies que son père. Philippe, qui dans son ouvrage Le nationalisme français, préfacé par le vieil ami de son père Henry Coston, fait cette dédicace significative : « A mon père qui resta fidèle à ses idées et qui su m’en faire comprendre la vérité »[4]. Le fils, proche des intégristes de la Fraternité St-Pie X, a tellement repris les délires complotistes de son père qu’il dénonce surtout l’influence des forces du mal et de la Maçonnerie au sein de l’extrême droite française, à tel point qu’il s’oppose à Alain de Benoist, et se fait interdire d’antenne à Radio Courtoisie.
Une filiation évidente
On le voit avec cet aperçu biographique, le pedigree de Jacques Ploncard d’Assac en fait une des personnes centrales dans le maintien de l’idéologie d’extrême droite après la débâcle subie en 1944-1945. Son parcours et ses écrits sont particulièrement significatifs d’une volonté de ne pas se résigner à la défaite et de préparer le terrain à un retour à l’avant plan de l’extrême droite en maintenant le plus vivant possible l’héritage des années 30-40. Les jeunes ont droit à la vérité… est un livre qui synthétise assez bien cette démarche[5]. Des Lumières à l’Epuration, en passant par la Révolution Française , la « vraie » France a toujours lutté contre les mêmes ennemis. C’est ainsi que « Ces francs-tireurs préfigurent les « partisans » de la Seconde Guerre mondiale ; comme cette Commission départementale jacobine de Marseille, qui a créé une garde civique et moleste « tous les citoyens suspects d’esprit réactionnaire », préfigure les Comités de Libération et d’Epuration. Cela servait-il les intérêts de la France ? »[6]. Outre ces rapprochements entre les époques sur lesquels nous reviendrons, Ploncard d’Assac démontre bien sa filiation dans ses références. Ainsi lorsqu’il déclare que « Drumont est mon maître »[7] et que la lecture à l’âge de 16 ans du livre de ce dernier, la fin d’un monde, fut une révélation. Ses autres références sont des classiques comme De Maistre, Bourget, Bainville, Maurras ou encore Maurice Barrès « qui avait bien vu, lui, que la bataille des Idées serait longue et que personne ne la gagnerait pour nous (…) La Révolution nationale fut la dernière tentative d’arrêter « le vaste effort de décomposition » entamé depuis la Révolution française. »[8]. Son contemporain Marcel De Corte[9] reçoit également ses faveurs, tout comme Léon Daudet dont il reprend les trois erreurs fondamentales issues de la révolution de 1789, à savoir l’utopie du progrès, la lutte des classes et le gouvernement du peuple par le peuple.
La décadence « gauchiste »
1789 est considéré comme un tournant important qui consacre la décadence de la France et contre laquelle la lutte n’a toujours pas cessé. Mais 1789 n’est pas dû au hasard. « Rien de ce qui arrive aujourd’hui et marque une décadence évidente, n’est apparu subitement. Le mal a cheminé longtemps souterrain, masqué, honteux et puis, lorsqu’il eut secrètement contaminé assez de consciences, il s’est étalé avec impudeur et s’est proclamé : Progrès »[10]. Jacques Ploncard d’Assac développe ainsi un rejet total du « scientisme » qu’il considère comme le fils pédant de l’encyclopédisme. Cette diffusion des idées est clairement le produit d’un complot des sociétés secrètes en faveur des idées démocratiques : « Des millénaires à Karl Marx et aux progressistes chrétiens, qui ne voit circuler le même esprit de révolte ? »[11]. De ce développement, « Il apparaît évident aujourd’hui que la Révolution ne rencontre pas de résistance chez les Souverains d’Europe parce que ses idées fondamentales, diffusées par la Maçonnerie , avaient gagné les Cours elles-mêmes et qu’elle avait partout des adeptes connus ou secrets. »[12]. Le succès de ce complot sera accentué par le suffrage universel. « Ainsi, un des premiers effets de la république, pourtant ouverte à tous par le suffrage universel, est la prolifération des sociétés secrètes, la soumission des militants aux supérieurs inconnus des Loges maçonniques. C’est que, ce suffrage, il s’agit de le manipuler »[13]. Et de condamner l’illusion du Suffrage Universel : « Sous prétexte de soustraire l’électeur aux influences du château et de la cure, on va le soumettre aux promesses de candidats qu’il ne connaît point. Ce que le suffrage a de légitime disparaît. Il ne va plus être qu’un procédé pour dégager une majorité artificiellement fabriquée par la publicité. »[14].
Retenant les leçons de Barrès, mais aussi l’exemple de Marx dont il retient qu’il n’a pas hésité à attendre des jours meilleurs en continuant inlassablement à propager ses idées, Ploncard d’Assac considère que l’influence de l’écrit et des livres est énorme. C’est pourquoi il aura une telle production et qu’il décrit les raisons du lancement au début de 1969, d’une lettre politique[15] destinée à influencer et à fédérer les cercles de réflexions qui réfléchiront ainsi à l’élaboration d’une doctrine cohérente et la diffuseront. Cette Lettre Politique paraissait tous les quine jours et se devait « de montrer, derrière les événements, les idées, les positions d’où procède l’action »[16]
Un projet d’extrême droite
Cette doctrine soutient un projet politique clair qui tourne autour d’une question centrale : « Il n’y a là, qu’un aspect local du débat fondamental ouvert par la Révolution française : l’homme est-il maître de faire les lois à son gré ou est-il, de par sa nature même, soumis à des lois dont toute violation entraîne la désagrégation de la société ? »[17]. Pour répondre à cette question, « (…) il y a deux portes : à gauche, le glissement logique du système ; à droite, côté nationaliste, la réaction contre le système et son écoulement gauchiste. Il n’y a donc qu’une seule attitude réellement révolutionnaire – parce que contre-révolutionnaire - : celle de la droite nationaliste »[18]. Cette réponse est une évidence pour Ploncard d’Assac : « Il faut en sortir par la droite, si l’on veut bien entendre par là une conception de la société conforme à la loi naturelle, basée sur l’expérience, sur la mémoire héréditaire des siècles, qui est la tradition, sur la politique expérimentale. C’est la seule manière de s’en sortir. A gauche, on va trouver une idéologie née d’autres idéologies, on ne collera jamais au réel. »[19]. Nous en revenons donc au fondement de l’extrême droite, c'est-à-dire le respect des lois dites naturelles que nous avons si souvent rencontré dans cette chronique.
Notes
[3] Les éléments biographiques sont tirés des sites Internet suivant : http://henridefersan.blogspot.com (blog du Parti Français Chrétien) et www.renouveaufrancais.com deux sites à la connotation politique évidente.
[4] www.six-février.com. Le nom de ce site fait référence au 6 février 1934, date mythique de l’extrême droite française dont nous avons déjà parlé dans notre article sur Tixier-Vignancourt : La cohérence d'un engagement in Aide-mémoire n°40 d'avril-mai-juin 2007
3 commentaires:
Deux petites précisions :
1 - Philippe Ploncard d'Assac n'est pas "provche de la Fraternité Saint-Pie X" étant donné qu'il y est interdit de séjour... Il est par contre un grand admirateur de l'evêque de Fréjus.
2 - C'est "Parti Français Chrétiens" avec un S à Chrétiens qui s'accorde avec Français.
Merci pour la correction de la coquille.
Concernant les (non) rapports de Philippe Ploncard d'Assac avec la Fraternité Saint-Pie X, pourriez-vous m'apporter des précisions ou des références.
Bien sur : il est interdit de séjour à Chiré (sauf l'année de la mort de son père), interdit de séjour à Renaissance Catholique, à Radio Courtoisie, à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, en gros tricard partout...
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