vendredi 17 octobre 2008

Panorama des interlocuteurs sociaux

Cet article a été publié dans Espace de Libertés, n°368 d'octobre 2008, p.30


Les mots sont importants. Plusieurs ouvrages ont mis en lumière le fait que l’imaginaire culturel est fondamental et que le vocabulaire y joue un rôle central[1]. Dans ce cadre, un ouvrage[2] refaisant le point sur la composition des différents interlocuteurs sociaux, et les qualifiant comme tels et non comme « partenaires »[3], revêt toute son importance au lendemain d’élections sociales n’ayant pas apportées de grandes modifications mais à la veille d’une négociation autour d’un nouvel accord interprofessionnel qui s’annonce particulièrement difficile.

Le dossier du CRISP se divise en deux grandes parties. La première est consacrée aux organisations syndicales et la deuxième aux organisations patronales. Concernant les organisations syndicales, les deux auteurs analysent de manière précise la FGTB, la CSC et la CGSLB mais également la peu connue Union nationale des syndicats indépendants (UNSI) créée en 1982 mais à la représentativité fort faible. Ils mettent également en lumière toute la complexité du syndicalisme en Belgique : « Si les syndicats sont de grandes organisations, il ne faut cependant pas les assimiler à des administrations bureaucratiques. En tant qu’expression organisée d’un mouvement social porteur des valeurs d’émancipation de la classe des travailleurs, de justice sociale et de démocratisation de l’économie, ils sont toujours marqués par la perspective militante, même si celle-ci doit composer, parfois difficilement, avec un professionnalisme et une expertise très exigeants, requis notamment par la concertation sociale. »[4]. Outre la représentativité et les différentes facettes de ce qu’est aujourd’hui le syndicalisme, les auteurs interrogent également l’actualité de certains concepts pouvant parfois – à tort – paraître comme obsolète. Ainsi de celui de classe : « Les intérêts des travailleurs salariés sont à la fois convergents et divergents. Les points communs entre les travailleurs salariés s’expliquent par la position de subordination qu’ils occupent par rapport aux employeurs. À la différence des travailleurs indépendants, les salariés sont soumis à l’autorité d’un employeur, qui a le droit de leur donner des ordres pour l’exécution de leur contrat de travail. La loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail défini le cadre légal dans lequel le travailleur exécute le contrat qui le lie individuellement à l’employeur. Ce statut commun aux salariés est l’un des éléments déterminants lorsqu’on recherche ce qui fait d’eux une classe sociale. »[5]

Cette réflexion, on la retrouve également dans la partie analysant les organisations patronales, prise via un autre angle tout aussi pertinent et qui, ajouté au précédent, montre bien qu’une « conscience de classe » existe bien : « Le monde des classes moyennes doit être pris en compte dans une étude sur les organisations patronales, bien qu’un grand nombre d’affiliés à ses organisations ne soient pas des employeurs. Néanmoins leurs représentants siègent du côté patronal dans de nombreux conseils consultatifs, et en premier lieu dans les deux grands organes paritaires que sont le Conseil national du travail et le Conseil central de l’économie. »[6]. De cette deuxième partie, on retiendra principalement que les organisations patronales ne se sont pas divisées sur les questions confessionnelles mais qu’ils existent de vrai différence régionale, les organisations flamandes plaidant pour moins de fédéralisme. On notera également que le patronat consacre des moyens très importants pour sa communication et son travail de lobbying, et ce avec des résultats probants : « En 2003, après la nomination d’un nouvel administrateur délégué, la FEB adopte une stratégie de communication plus incisive et une attitude plus proactive dans la présentation de ses positions. C’est le cas dans le processus de concertation qui a abouti à la loi du 23 décembre 2005 relative au Pacte de solidarité entre les générations, qui rencontre une part importante des revendications de l’organisation. »[7]

Voici donc encore un dossier de référence du CRISP pour toutes les personnes qui désirent s’y retrouver dans le paysage socio-économique belge.

Notes

[1] Sur les questions de vocabulaire voir Les nouveaux mots du pouvoir. Abécédaire critique, Bruxelles, Aden, 2007 et Mateo Alaluf Dictionnaire du prêt-à-penser, Bruxelles, EVO, 2000 mais aussi Eric Hazan, LQR, la propagande au quotidien, Paris, Raisons d’agir, 2006.

[2] Étienne Arcq et Pierre Blaise, Les organisations syndicales et patronales, Bruxelles, CRISP, 200 [3]

p.7

[4] P.24

[5] p.60. Sur cette question des classes sociales aujourd’hui, on lira également Classes sociales : retour ou renouveau ?, Coll. « Espace Marx », Paris, Syllepse, 2003 et Classe ouvrière, salariat, luttes des classes, Coll. « Les cahiers de critique communiste », Paris, Syllepse, 2005.

[6] P.119

[7] P.106

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