Cet article a été publié dans le n° 369 de la revue Espace de libertés du mois de novembre 2008, p.32.
Deux ans après son ouvrage La RTBF est aussi la nôtre, Bernard Hennebert récidive avec un livre salutaire dans les perspectives démocratiques qu’il aborde mais au titre bien plus alarmiste : Il faut sauver la RTBF[1].
Un des points importants que Hennebert aborde est que la RTBF étant une chaine de service public, elle se doit de proposer une offre différente et non de courir derrière les chaînes du privé. Une des questions centrales est ici la publicité. Celle-ci, qu’il trouve déjà trop présente, est réclamée de manière ferme par les dirigeants de la RTBF afin d’augmenter leur recette, nécessité selon eux pour faire face à la concurrence. Mais Hennebert de s’interroger : « Emettons l’hypothèse qu’on découvrira alors que bien des budgets pour mener à bien ces objectifs spécifiques au service public sont souvent moins importants que ceux nécessités par l’acquisition ou à la production de coûteux programmes auxquels sont si sensibles les annonceurs »[2]. La publicité n’est pas la seule source de questionnement. Il en va de même de l’absence d’un réel agenda culturel, d’une émission d’éducation au média qui ne serait pas une vaste hypocrisie (soulignant au passage que Screen et Zoom arrière sont considérés par la RTBF comme relevant de cette catégorie), de la présence de la violence, de la signalétique…
« Bien entendu, les revendications ne doivent pas se limiter au cas de la RTBF. Les partis devraient être interpellés également, par exemple, sur le statut de RTL TVI, Club RTL et Plug TV qui tentent de faire croire qu’ils ont émigré au Grand-Duché du Luxembourg et qui nient que le droit de la Communauté française leur soit applicable, ce qui mène à plus de laxisme dans l’application des règles qui régissent la présence publicitaire, la diffusion d’images de violence gratuite, etc. »[3] Cependant, la RTBF étant un service public et devant renégocier son contrat de gestion, c’est sur cette dernière qu’il centre sa critique, insistant sur le rôle que les citoyens ont à jouer dans un débat qui concerne de manière plus large la démocratie : « Il n’y a pas que les distinctions entre réalité et fiction, ou direct et différé, qu’il importe de souligner, il reste beaucoup de pain sur la planche. Sans la pression des usagers, il est à craindre qu’on en restera là. Les prochains chapitres de ce livre vont tenter d’indiquer au lecteur comment il peut s’impliquer concrètement dans une évolution humaniste de notre paysage audiovisuel ».[4] Le livre de Bernard Hennebert a alors ce grand intérêt de décortiquer les différents moyens d’actions que chacun d’entre nous a pour intervenir et de ne pas en minimiser l’intérêt ni la portée car « Il n’est pas rare que certaines obligations ne commencent à être appliquées qu’à partir du moment où un usager découvre qu’elles ne sont pas encore prises en compte par le diffuseur et le signifie au CSA. Au plus des plaintes judicieuses et justifiées seront déposées, au plus la RTBF hésitera à ne pas appliquer telle ou telle règle sachant qu’une sanction pourrait constituer pour elle un manque à gagner financier. Il ne s’agit donc pas de jouer simplement au gendarme et au voleur, mais bien d’être solidaire d’un travail préventif pour que la RTBF soit davantage au service du public »[5].
Service public, le terme a souvent été utilisé dans ce texte. C’est qu’il est une des composantes qui nous paraît indispensable au fonctionnement démocratique d’une société par les services qu’il offre à l’ensemble de la population. Or comme le dit fort justement Marc Moulin à la fin de sa préface, « La RTBF, comme presque tous les services publics, est victime d’une libéralisation mal comprise et mal conçue. Aujourd’hui, on aperçoit enfin comment l’argent fait main basse sur les dernières sources de richesses qui ne lui appartenait pas encore (postes, chemins de fer, énergie, eau, etc…). La privatisation des services publics fonctionne sur le mode du pillage. »[6].
C’est ce pillage que fort à propos Jacques Moden étudie en détail dans une brique qui deviendra, nous prenons les paris, une référence[7]. Il y retrace les trois vagues de privatisation qui ont marqué la Belgique, l’année 1991 apparaissant ici comme un tournant. Outre une description précise des mécanismes, montrant bien la cohérence entre une idéologie capitaliste triomphante, une construction européenne réalisée pour servir celle-ci et un politique dont l’imaginaire culturel est totalement acquis à la logique de marché, le livre comprend des bilans chiffrés des privatisations ainsi que des fiches morphologiques d’un grand nombre d’ « entreprise publique ».
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