Cet article a été publié dans Espace de Libertés n°395 de mars 2011, p.30
La Maison de la Métallurgie et de l’industrie de Liège accueille jusqu’au 15 avril une exposition intitulée « De fonte et d’acier : histoire vécues »[1] dans ses magnifiques locaux de la maison Dothée, du nom de cette famille d’industriels qui y laminait du fer blanc dès 1845. La visite de cette exposition est donc aussi l’occasion de (re)découvrir ce musée de 2500 m² abrité dans un écrin exceptionnel donnant une belle cohérence entre le contenu et le contenant.
Cette exposition accompagne la sortie d’un beau livre de 256 pages en papier glacé grand format que l’on doit à Armando Frassi[2], un passionné de la sidérurgie liégeoise qui consacre depuis plusieurs années de nombreuses heures à sauver par la photographie un patrimoine encore trop souvent négligé voire déconsidéré. C’est d’ailleurs le sens de l’introduction due à André Gob qui revient sur la notion de patrimoine immatériel après avoir souligné combien cela fait peu d’années que le passé industriel est considéré comme pouvant faire partie du patrimoine. Sont ici concernés tant les bâtiments que les autres traces de mémoire. Car les objets ou les lieux ne sont rien s’ils ne sont pas contextualisés par le rôle de l’homme, par les témoignages du vécu de ceux qui les ont utilisés où qui y ont travaillé.
Le livre d’Armando Frassi est un livre de photographies. De beaux clichés montrant la sidérurgie d’aujourd’hui, en activité ou non. La fascination et l’émotion sont toujours très présentes quand la fonte explose au centre de l’image. L’acier en fusion et son travail ont un pouvoir d’émerveillement que le photographe arrive à bien faire passer. L’auteur ne s’est cependant pas contenté de reproduire ses propres travaux. Il publie également de nombreux documents historiques, dont une exceptionnelle série de photographies prises lors de la construction du Haut-Fourneau n°6.
On pourrait penser que l’éditeur Gérard Klopp met ainsi sur le marché un énième livre de photos traitant du travail des sidérurgistes. Mais ce livre apporte une originalité à la production habituelle. Celle d’inverser le traditionnel rapport entre la photo et le texte. En effet, ici, c’est le texte qui illustre l’image qui devient ainsi objet et non illustration. Après un cadrage historique de la sidérurgie liégeoise en 17 questions par Robert Halleux, directeur du Centre d’Histoire des Sciences et des Techniques de l’ULg, ce ne sont pas moins de 21 témoignages qui se succèdent. Ces derniers, de nature très diverses, permettent de bien saisir toute la réalité humaine qui se cache derrière ces immenses usines. Directeur, manœuvre, syndicaliste et jusqu’au tenancier d’une friterie et un riverain, c’est toute la vie qui tournait dans et autour des usines que les interviews d’Armando Frassi racontent. Ces textes soulignent une double mémoire chez les travailleurs. Celle de la mine d’abord, bien présente, mais à travers ce qu’ont vécu leur parents. Celles de la sidérurgie ensuite.
Un excellent livre donc, tant pour sa beauté que pour l’humanisme de son propos.
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