Cet édito de 6com est paru le 23 avril 2012
18h00. Première estimation sur La Première. Et une bonne nouvelle, l’abstention ne franchit pas les records annoncés depuis des jours dans les médias. Le duo de tête, et l’ordre dans lequel il se présente, est celui prévu. Et pour la troisième place le duel entre Mélenchon et Le Pen est au rendez-vous.
20h00. Premier résultat. La gueule de bois. L’écart entre Hollande et Sarkozy est faible. Le Pen est à 20%, presque le double de Mélenchon. Les suites de la soirée ne permettront pas à l’ambiance de revenir. Si le score de la gauche dans son ensemble est particulièrement bon et que pour la première fois le président sortant n’est pas premier, les jeux sont loin d’être faits. Et la France n’en a peut-être pas encore fini avec son président bling-bling dont les lieutenants, masculin comme féminin, multiplieront sur les plateaux télévisés les déclarations visant à se prostituer pour attirer les votes de l’extrême droite.
Au vu de l’enthousiasme créé en Belgique comme en France par la campagne de Mélenchon, on peut se sentir déçu du résultat final et se dire que finalement la France reste un pays ancré à droite. On pourrait rester abasourdi en constatant que Marine Le Pen fait mieux tant en pourcentage qu’en nombre de suffrages recueillis que ce qu’avait réalisé son père lors du séisme de 2002. Cette attitude faussement objective et réellement pessimiste serait une erreur.
Car le 6 mai, la Gauche peut encore l’emporter. Une Gauche qui, nous le savons depuis l’illusion de 1981, ne changera pas radicalement les choses. Elle ne s’attaquera pas à la racine des inégalités sociales et ne sortira pas du processus européen d’austérité. Elle travaillera cependant à limiter les dégâts et empêchera ainsi un grand nombre de personnes de tomber dans la misère que la Droite leur promettait, et prendra éventuellement l’une ou l’autre mesure cosmétique. Donc, oui, le 6 mai il faut le changement et espérer que Sarkozy fasse ses valises.
Mais au-delà du deuxième tour, trois autres tours se joueront.
1° Les législatives en France où la dynamique du Front de Gauche doit permettre une progression de la Gauche cohérente et son renforcement au sein de l’assemblée parlementaire. Ce qui lui permettra de peser sur les mesures d’un gouvernement que l’on espère de Gauche. Et en cela, les plus de 11% de Mélenchon sont à comparer au 5% dont il était crédité en début de campagne et au moins de 2% réalisé par le PCF en 2007.
2° Une victoire de la Gauche, même molle, en France serait un signal au niveau Européen. Ce n’est pas un hasard si beaucoup de belges, notamment parmi les syndicalistes se sont intéressés à la campagne de Mélenchon. Outre l’attrait médiatique, c’est le discours tranché, de changement, mais surtout d’espérance qui retenait l’attention. Et les graines ainsi semées ne pourront que germer un de ces jours, si possible pas trop lointain pour inverser le rapport de force en Europe.
3° Enfin, le plus important, sera ce qui se passera dans la rue. Comme Jean-Luc Mélenchon l’a bien souligné dans son discours de ce dimanche, le premier rendez-vous pour son mouvement n’est pas le 6 mai, mais le 1er mai. Avec les travailleurs, dans les luttes quotidiennes. Car tous les changements sociaux sont nés dans la rue, dans des luttes de grandes ampleurs menées par et pour les travailleurs (avec ou sans emploi), et qui furent prolongées par un débouché politique.
C’est là le vrai enjeux pour ce lendemain de premier tour en France mais aussi en Belgique. Plus que de savoir qui aura le « privilège » de pouvoir se revendiquer de Jean-Luc Mélenchon, le vrai enjeux pour la gauche belge est d’organiser une riposte contre les mesures de régression sociale inspirées par l’Europe à un gouvernement de centre-droit. Et, au-delà d’une mobilisation défensive, d’arriver à redonner l’espoir en un réel projet de société radicalement différent du capitalisme actuel. Ce n’est que par cette rupture cohérente et sans nuance avec un système mortifère trop longtemps cautionné, y compris à gauche, que l’on luttera efficacement contre la résurgence d’un Fascisme qui se nourrit des inégalités sociales, du désespoir et des discours individualistes de rejet de l’autre.
Julien Dohet
Note
Mon titre reprend celui d’une chanson de la Compagnie Jolie-Môme. Voir www.cie-joliemome.org
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