mardi 27 septembre 2005

Vers une affirmation de la Wallonie


Cet article a été publié dans Espace de libertés n°334 de septembre 2005, p.25

Si la Flandre est aujourd’hui demandeuse d’un nouveau débat institutionnelle afin de gagner encore plus d’autonomie, en Wallonie également la question a été reposée avec acuité. Au niveau wallon, c’est principalement la question de la régionalisation de la communauté française qui est à l’ordre du jour depuis la publication d’un deuxième « Manifeste pour la culture wallonne » et la constitution dans son sillage du Mouvement pour le manifeste wallon où l’on retrouve notamment José Fontaine et Jean Louvet.

C’est dans ce contexte que l’Institut Jules Destrée, qui travaille depuis plusieurs années maintenant à permettre l’élaboration d’une réelle identité wallonne [1], a publié en début d’année une somme[2] de pas moins de 519 pages richement illustrées dont l’objectif est « (d’)Offrir une vue globale, synthétique et critique de la société wallonne en ce début du XXIe siècle (…). »[3] Le livre s’inscrit clairement dans la problématique décrite plus haut, Philippe Busquin s’interrogeant dès la première page sur « L’adhésion politique à un projet wallon (francophone ?) radical qui sera peut-être prochainement la seule alternative aux tensions fédérales belges » et Philippe Destatte plaidant clairement dans sa contribution pour la régionalisation des compétences culturelles de la Communauté française.

Impossible ici de résumer les contributions de la soixantaine de chercheurs sollicités. Soulignons simplement que si tous les champs sont couverts on peut s’étonner de certains choix, comme celui de placer « travail, chômage et santé mentale », qui au demeurant est une excellente question, dans la partie « mode de vie » et non dans celle intitulée « économie et société ». Notons également que l’article sur le « patrimoine en Wallonie » concerne exclusivement le patrimoine financier. Pour l’aspect culturel, c’est une longue énumération de tous ce que l’on peut étiqueter de près ou de loin « wallon » qui est faite dans « la culture en Wallonie » où malheureusement la forme des œuvres prime largement sur le fonds, comme lorsqu’Edmond Dubrunfaut n’est évoqué que via ses tapisseries, sans un mot sur la dimension sociale que cet artiste engagé a donné à une immense partie de son travail.

De la lecture de la partie « économie et société », seule partie que nous développerons, se dégage un sentiment très mitigé guère optimiste. Si les différents auteurs montrent que des pistes d’avenir existent, elles sont bien maigres face aux problèmes posés par la reconversion économique d’un sillon industriel qui garde son caractère structurant avec 2/3 de la population wallonne qui y vit toujours aujourd’hui. De plus il est clairement démontré que le pouvoir économique est maintenant dans les mains de grands groupes multinationaux, l’investissement public ne faisant de plus en plus que pallier aux déficits du privé. On est loin de l’époque ou « la revendication wallonne d’autonomie régionale répondait à une prise de conscience des problèmes posés par la structure économique de la Wallonie et visait à obtenir les moyens de maîtriser son destin économique »[4]. L’auteure « oublie » ici de préciser que c’est la FGTB, via le renardisme, qui posera le débat en ces termes comme le rappelle plusieurs contributions du livre Changer la société sans prendre le pouvoir [5]. Enfin, pour Michel Capron, la rupture actuelle n’est pas seulement économique, mais également technologique et sociale, elle serait donc bien plus qualitative que quantitative même s’il souligne que la productivité wallonne reste de 6% plus élevée que la moyenne européenne.

Un ouvrage qui, au final, se révèle une bonne photographie de la Wallonie d’aujourd’hui tout en permettant également le débat sur l’avenir.

Notes

[1] Voir l’Encyclopédie du mouvement wallon en trois tomes et le livre de son directeur Philippe Destatte, L'identité wallonne. Essai sur l'affirmation politique de la Wallonie (XIXe – XXe siècles). Charleroi, Institut Jules Destrée, 1997.
[2] La Wallonie à l’aube du XXIe siècle. Portrait d’un pays et de ses habitants. Charleroi, Institut Jules Destrée, 2005. Notons que dans les crédits, le livre est renseigné comme édité en Wallonie et non en Belgique.
[3] p.7
[4] Anne Vincent, Le pouvoir économique, p.403.
[5] Matéo Alaluf (sous la direction de), Changer la société sans prendre le pouvoir. Syndicalisme d’action directe et renardisme en Belgique. Bruxelles, Labor, 2005.

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