jeudi 28 février 2008

Et si on baissait (réellement) les impôts de ceux qui en ont (vraiment) besoin ?

Je cosigne sur la fiscalité une carte blanche écrite par le "mouvement du 15 décembre", un collectif qui regroupe des syndicalistes du Sud comme du Nord mais aussi de la FGTB comme de la CSC, ce qui en fait toute sa richesse. Avec ma présence dans ce collectif je renforce, comme au sein du "Ressort", ma volonté d'être au carrefour de divers groupes réellement de gauche. Ce sera également le sens de ma présence demain soir à Namur au meeting organisé par le "Mouvement du Manifeste Wallon" (dont je suis un des signataires) et dimanche au congrès du PTB (dont je ne suis pas membre).
Le texte ci-dessous est paru le jeudi 28 février dans La Libre Belgique et le vendredi 7 mars dans Le Soir.


Le 15 décembre 2007, les syndicats CSC-FGTB et CGSLB manifestaient à Bruxelles "pour le pouvoir d'achat et la solidarité". Dans son tract, le Front Commun Syndical revendiquait "une fiscalité équitable". Depuis lors le débat politique fait rage, par exemple sur le scandale des intérêts notionnels si chers à la FEB, laquelle FEB n'hésite pas à prétendre "qu'il n'y a pas de problème de pouvoir d'achat".

Avec l'aide du Mouvement du 15 Décembre(1), des syndicalistes socialistes et chrétiens, lancent un appel pour "les riches plus taxés et les pauvres moins taxés !". Le ministre des Finances, Didier Reynders, affirme qu'il a baissé les impôts. Ceux des entreprises et des plus hauts revenus, c'est clair. Mais ceux de la population ? La fiscalité a une fonction de redistribution des revenus (par exemple pour le financement des services publics). Cette fonction redistributive est garantie par la progressivité de l'impôt : plus un revenu est haut, plus son taux d'imposition est élevé. L'impôt des personnes physiques est calculé sur base de barèmes qui suivent ce principe. Mais de nombreux éléments viennent de plus en plus biaiser la progressivité. Ce qui signifie que la justice fiscale perd du terrain dans notre pays.

Voici cinq mesures qui rétabliraient une meilleure progressivité.

1. Taxer tous les revenus (financiers, immobiliers) comme les revenus professionnels. Pour pouvoir réduire les impôts de la population sans mettre en péril les dépenses sociales de l'Etat, il faudra réduire les énormes avantages fiscaux dont bénéficient les plus riches. Exemple : les propriétaires qui donnent des immeubles en location sont imposés sur un revenu cadastral théorique nettement inférieur aux loyers réels perçus. Et il y a pire. Les dividendes et intérêts sont soumis à un précompte mobilier de 15 ou 25 pc. Ce précompte est libératoire : il dispense le bénéficiaire de mentionner le revenu dans sa déclaration fiscale. Ce revenu mobilier n'est donc pas cumulé aux revenus professionnels et échappe ainsi à la progressivité de l'impôt.

Quant aux plus-values sur titres, elles échappent carrément à tout impôt puisqu'elles sont totalement exonérées. Rien ne justifie cette discrimination entre types de revenus. Une discrimination qui profite aux plus riches, car ce sont dans les plus hauts revenus que la part des revenus mobiliers est la plus importante. Pour garantir une réelle progressivité de l'impôt, les revenus immobiliers et mobiliers, y compris les plus-values sur titres, devraient être taxés comme les revenus professionnels.

2. Réduire l'impôt sur les faibles et moyens revenus. On l'a dit, l'impôt des personnes physiques est plus juste que les autres. Il pourrait pourtant être amélioré. Ainsi, un salarié commence à payer de l'impôt dès... 623 euros brut par mois. Sceptique ? Faites le test : introduisez un salaire annuel de 7 476 euros sur le simulateur du ministère des Finances (http://minfin.fgov.be). Et celui qui gagne 1 500 euros brut arrive déjà au taux marginal de 45 pc. En clair, la pente des taux d'imposition est beaucoup trop raide : on paie trop vite trop d'impôts. Pour une réelle progressivité, il faudrait rendre cette pente beaucoup plus douce. Mais dans sa réforme fiscale, le ministre Reynders a préféré faire l'inverse : supprimer les deux tranches de 52,5 pc et 55 pc. Cette mesure bénéficie uniquement aux plus hauts revenus (au-delà de 45 000 euros brut par an) et le cadeau est d'autant plus important que le revenu est élevé. Pour l'administrateur-délégué de Fortis, la réforme fiscale représente, par exemple, un cadeau de 120 000 euros chaque année.

3. Réduire les taxes indirectes, notamment sur l'énergie. À l'inverse de l'impôt des personnes physiques, les taxes indirectes (TVA, accises...) ne sont pas progressives : chacun est soumis au même taux, quel que soit son revenu. Les projets libéraux pour augmenter ces taxes indirectes auraient pour effet d'accroître encore plus les injustices fiscales. Il convient au contraire de réduire la part des taxes indirectes, en particulier sur les prix de l'énergie, qui constituent une part sans cesse plus importante des dépenses des ménages.

Aujourd'hui, le gaz, l'électricité ou le mazout de chauffage sont soumis à une TVA de 21 pc. Pourquoi ne pas la soumettre à un taux de 6 pc, comme d'autres produits de première nécessité ?

4. Revoir les avantages extralégaux. Les avantages extralégaux (voitures de société, pension extralégale, frais de représentation, etc.) accordés par une société à certains de ses salariés bénéficient d'un régime fiscal particulièrement favorable. On constate que dans les entreprises où des cadres supérieurs obtiennent de tels avantages dans leur pack salarial, ces cadres sont soumis à taux d'imposition égal, voire inférieur, à celui des cadres ou employés touchant des revenus plus bas mais ne bénéficiant pas de ces avantages.

Le principe de progressivité est donc biaisé au sein même d'une entreprise. À partir d'un certain niveau, plus le coût d'une voiture de société est élevé, plus l'avantage fiscal est important. Ainsi, une Porsche dont la charge pour l'entreprise atteindrait 35 000 euros par an ne donnerait lieu, dans le chef de l'utilisateur, qu'à un supplément taxable de 3 340 euros par an. Nous estimons que la taxation de tels avantages devrait coller au plus près du coût réel.

5. Modifier le mode de calcul de l'impôt communal. L'impôt communal est calculé sur base de l'impôt des personnes physiques. Comme ce dernier est progressif, on pourrait supposer que l'impôt communal l'est aussi. Mais le taux de cet impôt communal est généralement plus élevé dans les communes pauvres que dans les communes riches.

En effet, les communes abritant de hauts revenus pourront atteindre un niveau équivalent de recettes avec un taux plus modeste. Ce qui fait qu'à La Louvière, un habitant redevable d'un impôt de 10 000 euros envers l'Etat paiera un impôt communal de 10 000 x 8,5 pc = 850 euros. Tandis qu'à Lasne, une des communes les plus riches du pays, un habitant redevable d'un impôt de 15 000 euros envers l'Etat paiera un impôt communal de 15 000 x 5 pc = 750 euros (et même 0 euro s'il habitait à Knokke). Il est urgent de revoir ce mécanisme fiscal aberrant au profit d'un système qui garantirait une solidarité financière entre communes riches et moins riches.

Texte mis au point par le "Mouvement du 15 Décembre/15 December Beweging", avec le soutien des signataires suivants : Albert Patricia, Bachely Bruno, Baudson Bruno,, Briscolini Carlo, Brissa Didier, Corbisier Maurice, Coumont Raymond, Debry Francis, Dohet Julien, Fays Guy, Gelmini Gérard, Goblet Marc, Layeux Jean-Jacques, Leblon RonnyLéonard Jean-Marie, Lévèque Arnaud, Lévèque Pierre, Lootens Paul, Mathieu Freddy, Piersotte Jean-Marie, Pirquet Rudy, Ruttiens Henri-Jean, Tonon Thierry, Urbain Robert, Vandermeiren Ludwig, Van Hees Marco, Vermeersch Hendrik, Willems Martin.

(1) le Mouvement du 15 Décembre/15 December Beweging a été créé en opposition au Pacte (anti) Générations voté en décembre 2005 par le Parlement.

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