Cet article a été publié dans Espace de Libertés n°388 de juillet 2010, p.24
Le roman d’Edgar Hilsenrath, Le Nazi et le Barbier, publié aux USA en 1972 et en Allemagne en 1977, vient seulement d’être traduit en français par une petite maison d’édition[1]. L’histoire, 30 avant le livre surfait de Jonathan Littel Les Bienveillantes[2], est écrite du point de vue du bourreau.
L’ouvrage raconte le parcours de Max Schulz un Allemand ayant tout les traits physiques que l’on attribuait dans les années 20-30 aux Juifs. Schulz rejoint le parti Nazi lors de l’ascension de celui-ci. Malgré son physique, il entre dans la SS où il participe activement à l’extermination des Juifs. D’abord dans des pelotons d’exécution à l’Est, puis comme gardien d’un camp d’extermination en Pologne. Lors de la défaite allemande, il réussit à échapper à la condamnation. C’est ici que le roman prend une nouvelle tournure. Car Max Schulz devient alors Itzig Finkelstein, endossant ainsi l’identité de son ami d’enfance, né dans la même rue et au même moment que lui. C’est d’ailleurs dans la famille de cet ami qu’il avait appris, avant la montée du Nazisme, la tradition juive mais aussi son métier de barbier. Son physique et ces connaissances permettront à Max Schulz de rejoindre la Palestine et de devenir un militant actif du Sionisme participant à la création d’Israël. Afin de parfaire son histoire, il va jusqu’à se faire tatouer un faux numéro de déporté d’Auschwitz et se faire opérer le prépuce avant de s’embarquer pour la « terre promise ».
Cette trame suffirait à elle seule à comprendre le scandale que provoqua le livre à sa sortie. Mais elle n’est rien comparée au style de l’écriture et aux réflexions qui émaillent le récit. Tout en respectant un cadre historiquement correct, l’auteur écrit un roman où l’absurde côtoie l’horreur, où les situations les plus improbables et un humour décapant permettent de faire passer un message qui flingue tout azimut le politiquement correct. Aucun personnage, aucune situation ne sort indemne de ce livre enlevé à l’humour burlesque et au ton satirique et caustique.
Si le contenu du livre a choqué et choquera certainement pas mal de gens qui considèrent que l’on ne peut parler de l’holocauste en ces termes, que l’on ne peut utiliser la satire et l’humour noir dans ce cas, il est peut-être bon de préciser que l’auteur est Juif, survivant d’un Ghetto Ukrainien et que son livre est une réaction à l’hypocrisie qu’il voit dans le tabou à aborder dans toute sa complexité et dans toute ses petitesses humaines cette période sombre de l’histoire. Car c’est autant le mythe de la construction d’Israël que le tabou de l’holocauste qu’Hilsenrath dynamite dans ce roman, certes anticonformiste, mais surtout drôle et riche en pistes de réflexions à qui veut bien laisser la liberté à sa pensée de sortir des sentiers battus.
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