Cet édito de 6com est paru le 19 novembre 2012
Ce mercredi 14 novembre, les travailleurs étaient mobilisés partout en Europe contre l’austérité. Les modalités de l’action furent différentes selon les pays, voire au sein d’un même pays, et l’on peut regretter que cela ne fut pas partout une grève générale de 24h. Cela fut cependant une première importante dans la construction d’un mouvement social européen venant, progressivement et encore trop lentement, s’opposer de manière structurée et coordonnée à l’Europe capitaliste. Au-delà des frictions internes à notre organisation et avec les autres organisations syndicales, ce 14 novembre peut être l’occasion de sortir un moment notre nez du guidon et de nous interroger plus globalement. C’est donc à un kaléidoscope de sujets que cet édito vous propose de vous interroger et d’avoir l’envie d’aller plus loin que les quelques lignes qui suivront.
Et tout d’abord, un lien facile avec la question de la construction d’un syndicalisme international efficace qui serait un vrai contre-pouvoir combatif. C’est une des nombreuses pistes qui sera étudiée lors d’un colloque les 23 et 24 novembre. Ce colloque « le syndicalisme dans sa dimension internationale » se déroulera à l'Institut de Sociologie de l'ULB . Au cours de la première journée, les conférenciers aborderont le thème des articulations du syndicalisme au niveau national, régional et mondial. La seconde journée, quant à elle, aura pour sujet la diversité des stratégies de lutte pour l'action internationale. Une bonne manière de confronter théorie et pratique et de s’interroger pendant deux jours sur l’avenir d’un syndicalisme qui ne se contente pas d’être de service ou de lobbying.
Cette question des lobbys et de leur rôle d’influence faussant le processus démocratique est au cœur de plusieurs études récentes, notamment d’un film documentaire qui fut au centre de la soirée de rentrée du monde associatif liégeois au Parc et qui a été diffusé ensuite sur la RTBF, à une heure malheureusement fort tardive. Brussels Business montre bien comment le pouvoir de l’argent corrompt complètement un processus présenté comme démocratique. Il doit nous interpeller comme syndicalistes qui luttons pour une autre Europe. D’autant que le lobbying exercé par des groupes issus de la société civile, dont la Confédération Européenne des Syndicats (CES), apparaît bien faible face aux moyens financiers colossaux qu’y consacrent les multinationales qui n’hésitent pas à s’allier pour être encore plus efficaces. À la veille de votes importants sur le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) en Belgique, avoir conscience que les règles du jeu sont faussées doit guider nos stratégies.
Le niveau européen mérite donc bien plus d’attention de notre part. D’autant qu’il influence fortement les dossiers nationaux au cœur de nos mobilisations actuelles. Pensons à toutes les recommandations de la Commission Européenne ou de l’OCDE, à la règle d’or, à la loi de 1996 sur la compétitivité… qui ont un effet direct non négligeable dans des dossiers comme celui de l’Index et de la norme salariale.
Mais au-delà de questions nous touchant directement ou indirectement, au niveau belge ou européen, nous ne pouvons ignorer ce qui se passe dans le monde. Je ne prendrai ici que deux dossiers.
Tout d’abord, de l’autre côté du globe les grèves très dures et violentes menées dans plusieurs secteurs par les travailleurs exploités d’Afrique du Sud. Ce conflit social très important passe actuellement des mineurs aux travailleurs agricoles. Loin d’avoir résolu les inégalités sociales, l’apartheid illustre une fois de plus combien une démocratie politique doit être complétée par une démocratie économique et sociale. Ce qui est très loin d’être le cas en Afrique du Sud. Le massacre par les forces de l’ordre de plus de 30 manifestants à Marikana le 16 août a démontré également que l’expression politique des groupes sociaux exploités n’était toujours pas tolérée dans ce pays. Dans le secteur minier hier, comme dans le secteur agricole aujourd’hui, un des éléments qui doit nous interroger est que ces mouvements de masse se font en dehors de structures syndicales établies, bien trop proches du pouvoir que pour percevoir la réalité du malaise social des travailleurs.
Refuser de voir, pour les gouvernements en place, ou d’expliquer, pour les médias, les réalités socio-économiques qui permettent de comprendre la réalité est aussi ce qui se passe avec le conflit israélo-palestinien. Le massacre qui se prépare dans la bande de Gaza doit également nous interpeler et nous faire réagir. Car présenter les choses comme « une réaction proportionnée d’un état agressé par des terroristes » est une vision totalement biaisée des choses. Mais au-delà de la disproportion totale des forces en présence, le cœur du problème est que l’on ne résoudra pas le désespoir de la jeunesse palestinienne, obligée de survivre dans une prison à ciel ouvert sans perspective d’un avenir meilleur, par un déluge de feux détruisant le peu de structure étatique existant dans la bande de Gaza. Eh oui, en tant que syndicalistes belges nous pouvons jouer un petit rôle. En prenant clairement parti pour celles et ceux qui sont du mauvais côté du manche, pour les opprimés et non les oppresseurs. C’est d’ailleurs ce qu’avait fait la FGTB lors de son dernier congrès en se positionnant pour dénoncer au sein de la CSI le rôle du syndicat israélien Histadrut.
Un édito de 6com n’est pas l’endroit pour être exhaustif sur ce type de problème. Mais cela ne doit pas empêcher de lancer des pistes de réflexions et d’élargir quelques fois notre horizon.
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