samedi 23 mai 2020

Vlaams belang : de la victoire à la menace. Analyse

Je rejoins les avis positifs sur sa qualité qui illustre totalement ce que dit Dewinter (figure historique du VB) : "l'emballage a changé, mais le fonds reste le même". Plusieurs réflexions 
1° Le cordon sanitaire médiatique est-il ainsi rompu ? bien entendu que non car les interviews de membres de l'extrême droite sont encadrées, contextualisées et décryptées. On est donc clairement pas dans le cadre de donner une tribune.

2° Le cordon sanitaire politique est-il rompu ? Pas encore. Mais on voit combien il peut l'être. Et que comme d'habitude si l'extrême droite arrive à un moment au pouvoir ce n'est pas seule, mais via le fait que des partis de droite s'allient avec elle. Il y un siècle comme aujourd'hui ! En cela le sondage du jour (montrant le VB devant la NVa en % et les deux partis à 44,8% des voix, mais une très courte majorité en projection de sièges) n'est pas rassurant. Et le fait que ce soit le représentant de l'aile (très) droitière du parti qui obtienne la présidence du VLd est aussi une mauvaise nouvelle. Notons que Bart Somers (que l'on voit tenir un discours ferme au parlement flamand) a été lui élu au bureau avec un bon score, ce qui permettra peut-être un équilibrage

3° Mais plus important encore sur le plan de la dédiabolisation, de la légitimation des idées portées par le VB (clairement d'ED voir plus bas) la responsabilité de parti comme la NVa et de certains de ses membres comme Theo Francken est énorme. Et comme en France avec le RN et l'écrasement de LR, la remontée du VB montre que quand la droite court après l'extrême droite elle ne la combat pas mais lui sert de marche pied.

4° Le vernis de présentabilité craque très vite. Le profil des jeunes du parti n'est pas inédit. L'exemple de Van Grieken qui milite depuis des années et dont le père est un policier militant historique du Blok est à cet égard représentatif. Et les séquences avec les identitaires français et à Alost montrent bien que le discours et le fonds politique sont ceux habituels de l'extrême droite. Ou encore le passage soulignant l'incompatibilité avec les valeurs démocratiques de 44 points du programme !

5° A ce niveau le reportage n'apprend d'ailleurs rien de nouveau sur ce qu'est l'extrême droite en Flandre, ses réseaux, sa composition militante (à différencier d'un potentiel électorat) : Blanche, non populaire, séparatiste, catholique, obsédée par l'immigration musulmane qui serait responsable de la criminalité, sexiste, adepte de la théorie du grand remplacement...

6° Au rayon rien de nouveau la présence de Luc Vermeulen et du Voorpost est très illustrative. C'était déjà l'objet de séquences entières dans les reportages de Defossé.

7° Même l'aspect jeunes n'est pas une réelle nouveauté. Dewinter était le Van Grieken de l'époque. On disait déjà alors qu'il changeait l'image car jeune et en costume cravate. Et le rôle des cercles étudiants nationalistes en Flandre n'est pas nouveau non plus (le reportage le mentionne d'ailleurs)

8° Le rôle des réseaux sociaux est certes important et un des éléments nouveaux. Mais ce qui ne l'est pas et qui est très bien montré dans le reportage c'est : a) les moyens financiers énormes utilisés pour ce résultat. b) le travail de terrain (envers les jeunes, sur les marchés, par des actions...) est primordial. L'ED s'ancre dans le réel en s'appuyant sur le virtuel.

9° Classique aussi qu'une montée électorale de l'ED s'accompagne d'une libération de la parole raciste qu'elle favorise et dont elle se nourrit dans une dialectique négative. Mais aussi d'une violence directe et physique. En cela la séquence du Voorpost à l'école est à mon sens très très violente, y compris physiquement, par le climat qu'une telle action met. Plus encore que l'interview du directeur de l'OCAM.

10° Sur cet aspect, le reportage montre bien la plus grande difficulté d'être antifasciste en Flandre qu'en Wallonie. Mais aussi que le combat n'y est pas abandonné.

11° Sur ce combat antifasciste, le reportage me conforte dans l'action menée au sein du Front Antifasciste et sur l'option de ne pas laisser l'extrême droite belge francophone se structurer et occuper physiquement l'espace public. Et, de manière plus anecdotique, sur le fait d'avoir eu raison de consacrer une soirée pour aller à Anvers contre le meeting du VB avec Salvini, le début du reportage montrant le caractère très loin d'être anodin de ce meeting.

12° Enfin un détail qui est loin d'en être un, surtout que le reportage souligne l'importance donnée à l'image et le soucis de contrôler celle-ci. Non pas le badge antisémite d'Alost. Mais la cravate de Van Grieken aux voeux du parti sur laquelle l'interroge le journaliste. Couleur proche de celle du Vlaams Blok, ancêtre du Vlaams Belang, et surtout tête de mort avec os croisés. Soit à mon sens un lien évident avec la Totenkopf (voir plus grave avec ce que l'on retrouvait sur les boites de Zyklon B). Occasion de rappeler que la tête de lion stylisée utilisée par le VB pour son logo est la même que celle du berkenkruis, le magazine des anciens SS flamand du front de l'Est. Et il y a longtemps que je ne crois plus au hasard sur ce type de clin d'oeil.

En conclusion, un excellent reportage qui démontre bien qu'au delà de certaines apparences l'extrême droite reste bien fidèle à elle même. Et qu'il faut donc continuer à la combattre sur tous les fronts.

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