J'ai pris le temps de regarder le reportage d'investigation de la RTBF
sur le Vlaams Belang.
Je rejoins les avis positifs sur sa qualité qui
illustre totalement ce que dit Dewinter (figure historique du VB) :
"l'emballage a changé, mais le fonds reste le même". Plusieurs
réflexions
1° Le cordon sanitaire médiatique est-il ainsi rompu ? bien entendu que
non car les interviews de membres de l'extrême droite sont encadrées,
contextualisées et décryptées. On est donc clairement pas dans le cadre
de donner une tribune.
2° Le cordon sanitaire politique est-il rompu
? Pas encore. Mais on voit combien il peut l'être. Et que comme
d'habitude si l'extrême droite arrive à un moment au pouvoir ce n'est
pas seule, mais via le fait que des partis de droite s'allient avec
elle. Il y un siècle comme aujourd'hui ! En cela le sondage du jour
(montrant le VB devant la NVa en % et les deux partis à 44,8% des voix,
mais une très courte majorité en projection de sièges) n'est pas
rassurant. Et le fait que ce soit le représentant de l'aile (très) droitière du parti qui obtienne la présidence du VLd est aussi une mauvaise nouvelle. Notons que Bart Somers (que l'on voit tenir un discours ferme au parlement flamand) a été lui élu au bureau avec un bon score, ce qui permettra peut-être un équilibrage
3° Mais plus important encore sur le plan de la dédiabolisation, de la
légitimation des idées portées par le VB (clairement d'ED voir plus bas)
la responsabilité de parti comme la NVa et de certains de ses membres
comme Theo Francken est énorme. Et comme en France avec le RN et
l'écrasement de LR, la remontée du VB montre que quand la droite court
après l'extrême droite elle ne la combat pas mais lui sert de marche
pied.
4° Le vernis de présentabilité craque très vite. Le profil
des jeunes du parti n'est pas inédit. L'exemple de Van Grieken qui
milite depuis des années et dont le père est un policier militant
historique du Blok est à cet égard représentatif. Et les séquences avec
les identitaires français et à Alost montrent bien que le discours et le
fonds politique sont ceux habituels de l'extrême droite. Ou encore le
passage soulignant l'incompatibilité avec les valeurs démocratiques de
44 points du programme !
5° A ce niveau le reportage n'apprend
d'ailleurs rien de nouveau sur ce qu'est l'extrême droite en Flandre,
ses réseaux, sa composition militante (à différencier d'un potentiel
électorat) : Blanche, non populaire, séparatiste, catholique, obsédée
par l'immigration musulmane qui serait responsable de la criminalité,
sexiste, adepte de la théorie du grand remplacement...
6° Au rayon
rien de nouveau la présence de Luc Vermeulen et du Voorpost est très
illustrative. C'était déjà l'objet de séquences entières dans les
reportages de Defossé.
7° Même l'aspect jeunes n'est pas une réelle
nouveauté. Dewinter était le Van Grieken de l'époque. On disait déjà
alors qu'il changeait l'image car jeune et en costume cravate. Et le
rôle des cercles étudiants nationalistes en Flandre n'est pas nouveau
non plus (le reportage le mentionne d'ailleurs)
8° Le rôle des
réseaux sociaux est certes important et un des éléments nouveaux. Mais
ce qui ne l'est pas et qui est très bien montré dans le reportage c'est :
a) les moyens financiers énormes utilisés pour ce résultat. b) le
travail de terrain (envers les jeunes, sur les marchés, par des
actions...) est primordial. L'ED s'ancre dans le réel en s'appuyant sur
le virtuel.
9° Classique aussi qu'une montée électorale de l'ED
s'accompagne d'une libération de la parole raciste qu'elle favorise et
dont elle se nourrit dans une dialectique négative. Mais aussi d'une
violence directe et physique. En cela la séquence du Voorpost à l'école
est à mon sens très très violente, y compris physiquement, par le climat
qu'une telle action met. Plus encore que l'interview du directeur de
l'OCAM.
10° Sur cet aspect, le reportage montre bien la plus grande
difficulté d'être antifasciste en Flandre qu'en Wallonie. Mais aussi que
le combat n'y est pas abandonné.
11° Sur ce combat antifasciste,
le reportage me conforte dans l'action menée au sein du Front
Antifasciste et sur l'option de ne pas laisser l'extrême droite belge
francophone se structurer et occuper physiquement l'espace public. Et,
de manière plus anecdotique, sur le fait d'avoir eu raison de consacrer
une soirée pour aller à Anvers contre le meeting du VB avec Salvini, le
début du reportage montrant le caractère très loin d'être anodin de ce
meeting.
12° Enfin un détail qui est loin d'en être un, surtout que
le reportage souligne l'importance donnée à l'image et le soucis de
contrôler celle-ci. Non pas le badge antisémite d'Alost. Mais la cravate
de Van Grieken aux voeux du parti sur laquelle l'interroge le
journaliste. Couleur proche de celle du Vlaams Blok, ancêtre du Vlaams
Belang, et surtout tête de mort avec os croisés. Soit à mon sens un lien
évident avec la Totenkopf (voir plus grave avec ce que l'on retrouvait
sur les boites de Zyklon B). Occasion de rappeler que la tête de lion
stylisée utilisée par le VB pour son logo est la même que celle du
berkenkruis, le magazine des anciens SS flamand du front de l'Est. Et il
y a longtemps que je ne crois plus au hasard sur ce type de clin
d'oeil.
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