Après les colonies, les incursions militaires et les check-points humiliants, c'est maintenant un mur de la honte qui est érigé en Palestine dans le but de tenter de séparer les membres de deux peuples[1]. Ce mur en rappelle bien d'autres, de celui de l'Atlantique à celui le long du Rio Grande en passant par celui de Berlin. Une constante existe entre ceux-ci: aucun n'a rempli son rôle de barrière étanche.
Dans le flot de littérature consacrée à cette tragédie et à ses origines, les éditions EPO ont publié le livre d'un vieux militant de la cause palestinienne[2], présent dès 1969 pour un reportage au côté des combattants palestiniens alors réfugiés en Jordanie.
L'auteur retrace rapidement l'histoire de la Palestine pour arriver aux sources du problème actuel. Alors que « l'immense majorité des habitants de Palestine (98%) est arabe et principalement de confession musulmane »[3], la première colonie juive, Petah Tikvah, est fondée en 1878. De nombreuses autres suivront avec un rythme allant crescendo. Le projet, pour une personne comme Herzl, ne pouvait être, explique Lucas Catherine, que celui d'un état homogène, car si les Juifs cohabitent avec un autre peuple, ils subiront toujours des pogroms.
Pour les Palestiniens, la situation commence à s'aggraver avec la première guerre mondiale. L'Angleterre porte alors un intérêt tout particulier à la région pour une raison fort simple: « (...) par le biais du pipe-line débouchant à Haïfa, la Palestine contrôle l'approvisionnement en pétrole venant d'Irak et de plus loin. »[4]. Dans ce contexte, les Juifs deviennent fin des années 30 le bras armé des Britanniques pour contrer l'agitation arabe grandissante. La fin de la deuxième guerre mondiale et l'Holocauste font faire un bond quantitatif capital aux Juifs qui arrivent en masse et mettent immédiatement la pression sur les troupes d'occupation anglaise. L'Irgun et le groupe Stern, dont plusieurs dirigeants israéliens sont issus, se distinguent alors par leurs opérations sanglantes et spectaculaires.
Si l'auteur est très sévère quant aux Juifs, il ne fait cependant pas l'impasse sur les problèmes internes aux Palestiniens. Il souligne ainsi que le Hamas dû son développement originel à l'aide des USA qui à travers lui voulaient, dans un contexte de guerre froide et de décolonisation, contrer les mouvements de gauche. Associé à la voie sans issue que représente la situation militaire et socio-économique, sans cesse en dégradation depuis les accords d'Oslo, cette stratégie a donné le cocktail explosif créant les kamikazes.
Outre les rappels historiques importants, le livre vaut surtout pour son analyse de la situation actuelle et sa mise en perspective.[5] Trois enjeux, en plus de la terre, sont au coeur de la problématique : l'eau, les réfugiés et Jérusalem. Mais le problème principal qui apparaît en filigrane est la différence sociale abyssale entre les deux peuples.
Richement illustré et accompagné de nombreuses notes explicatives en bas de pages, ce livre donne des clés nécessaires à la compréhension de la situation palestinienne. Terminons par une question. Israël est le pays sur lequel l'ONU a pris le plus de résolutions restées sans effet, bafouant ainsi les injonctions internationales depuis bientôt 60 ans. On ne peut donc que s'étonner de l'absence de sanctions de la communauté internationale[6]. Et si l'auteur parle des fruits des colons qu'il voudrait voir boycotter, il ne dit mot sur la présence d'Israël dans toutes les compétitions sportives et culturelles européennes comme, par exemple, la coupe de l'UEFA ou l'Eurovision. N'y aurait-il pas là des gestes symboliques forts à faire, à l'exemple de ceux qui avaient été appliqués contre le régime de l'Apartheid en Afrique du Sud ?
[1]Voir notamment, ALGAZI, Gadi, Un mur pour enfermer les Palestiniens in Le Monde Diplomatique n°592, juillet 2003, p.10.
[2]CATHERINE, Lucas, Palestine. La dernière colonie ? Berchem, EPO, 2003
[3]p.21.
[4]p.35
[5]On se référera également pour ces aspects à l'excellent numéro spécial Comprendre et agir du trimestriel Palestine. Bulletin de l'Associatio belgo-palestinienne paru en septembre 2003.
[6]Voir CHEMILLIE-GENDREAT, Monique, Face à la force, le droit international in Le Monde diplomatique, janvier 2002, pp.14-15. On n’en oubliera pas pour autant que les pays arabes et les Palestiniens n’ont jamais réellement admis la résolution de l’ONU créant l’Etat d’Israël.
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