Cet article a été publié dans Espace de libertés n° 329 de mars 2005, p.34
La Commune de Paris est un événement majeur de l’histoire du mouvement ouvrier mondial. Commencée dans la nuit du 17 au 18 mars 1871 à la suite de la débâcle des armées de Napoléon III dans la guerre qui opposait la France à l’Allemagne, la Commune se terminera dans le bain de sang de la semaine sanglante du 21 au 28 mai, contre le Mur des fusillés du Père Lachaise.
La Commune constitue 72 jours pendant lesquels le peuple de Paris se gouvernera à travers ses 90 élus du 26 mars dont 25 ouvriers. Une série de mesures sociales seront prises, mais très vite la Commune doit concentrer toutes ses forces à la lutte contre Thiers et les Versaillais qui attaquent dès le 2 avril grâce à l’aide de la Prusse qui a libéré un grand nombre de soldats prisonniers.
C’est cette grande histoire qui constitue la toile de fonds de l’enquête policière que nous raconte le dessinateur Tardi[1], sur base du roman de Jean Vautrin[2].
L’enquête tourne autour de l’obsession vengeresse du notaire Charles Bassicoussé, devenu policier sous le nom d’Horace Grondin, et qui est persuadé que sa fille adoptive est morte à cause du jeune officier Antoine Tarpagnan. Pour mener à bien sa vengeance, Bassicoussé utilise le flicard Hippolyte Barthelemy. Mais au fil de l’histoire, on découvre que Barthelemy profite de sa position pour enquêter sur le passé de l’ancien notaire. Autour de cette intrigue principale, Vautrin développe une série d’histoires secondaires : Ziquet faisant le coup de fusil, Marbuche et sa troupe de théâtre ambulant, la belle Gabriella Pucci qui sera le modèle de Courbet pour son tableau l’Origine du monde…
Mais c’est surtout pour la reconstitution fidèle du Paris de la Commune que cette bande dessinée sort du lot. Dans son style et avec cette conscience militante qu’on lui connaît tout au long de sa carrière, d’Adèle Blanc-Sec à Nestor Burma en passant par l’illustration de romans de Céline, mais surtout via son album sur la Grande Guerre, C’était la guerre des tranchée[3], Tardi nous offre un splendide ouvrage découpés en quatre tomes en noir et blanc, dans un format à l’italienne. Au travers des pérégrinations de l’histoire, c’est le Peuple de Paris et ses espoirs que l’on découvre avant d’assister au massacre ordonné par Adolphe Thiers. De Blanqui à Louise Michel, en passant par le général Dombrowski et Eugène Varlin, on rencontre au hasard des cases les grandes figures de la Commune. Les auteurs ont l’intelligence de les situer et, de par le dessin ou le phylactère, de donner des indications sur le rôle qu’ils ont joués et les positions qu’ils ont défendues.
En 2005, 134 ans après que la Commune aie été écrasée par les forces de la réaction. Elle reste bien vivante dans l’histoire des luttes, malgré la pauvreté du Musée que lui consacre la Commune de Saint-Denis[4]. Cette tétralogie lui rend un superbe hommage, dont on espère bientôt un coffret avec bonus.
[1] Le Cri du Peuple chez Casterman: T.I, Les Canons du 18 mars, T.II, L’Espoir assassiné, T.III, Les Heures sanglantes, T.IV, Le Testament des ruines.
[2] Jean Vautrin, Le Cri du Peuple, Paris, Grasset, 1999. C'est à l'occasion de l'illustration de la couverture de ce livre que Tardi décida d'en faire une bande dessinée.
[3] Ouvrage paru chez Casterman en 1993.
[4] Ce musée est exemplatif des conditions dans lesquelles la mémoire de l’histoire des luttes sociales, en France comme en Belgique est laissée. Et celui des Canuts à Lyon n’existe même plus !
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