Cet article a été publié dans Espace de libertés n°341 d'avril 2006, p.15
Deux livres très différents, et par là même fortement complémentaires, sont sortis récemment en librairies. Ils tentent de donner des pistes à tous ceux qui désirent comprendre et surtout agir contre l’extrême droite. Si les publics auxquels les auteurs s’adressent ne sont pas les mêmes, les réflexions que l’on y retrouvent se recoupent et illustrent bien l’évolution depuis dix ans des questionnements des antifascistes, et leurs interrogations à la veille d’échéances électorales importantes.
Aux éditions couleur livres, deux auteurs du monde chrétien (l’un animateur au MOC et l’autre professeur à l’UCL) ont écrit un ouvrage[1] plutôt destiné au monde des animateurs et des formateurs. Le grand public décrochera en effet rapidement devant un développement du raisonnement et une écriture relativement complexe. Partant d’une longue expérience de formations touchant des publics fort divers, les deux auteurs, tout en expliquant de manière fort détaillée et intéressante leur méthodologie qui prend au maximum en compte les vécus et les ressentis des participants, démontent l’idéologie de l’extrême droite et, surtout, développent un projet d’action concrète contre cette dernière. On retiendra surtout l’attention portée sur l’importance de bien appréhender les partis d’extrême droite comme des partis aptes à prendre le pouvoir. C’est pourquoi Boucq et Maesschalck insistent sur une meilleure étude de la phase ascensionnelle du fascisme dans l’entre deux guerres alors que l’on se focalise généralement sur les formes qu’il pris une fois arrivé au pouvoir. Insistant sur le fait qu’on ne peut nier qu’il y ait des problèmes dans notre société, les deux auteurs pensent que seul l’implication de chacun dans la société pourra apporter une solution. C’est pourquoi ils proposent la création de communautés autonomes interagissant entre-elles et avec la société. On voit pourtant mal le changement global de société qu’elles permettraient, un peu à l’image des assistants sociaux qui sont finalement plus des régulateurs de révoltes que des organisateurs d’émancipation et de changements profonds.
L’autre livre est écrit par un, si pas le, spécialiste de l’extrême droite en Belgique francophone[2]. Auteur de nombreux livres sur le sujet
Ces ouvrages, tous deux préfacés par Xavier Mabille, outre les outils qu’ils mettent à disposition de leurs lecteurs, se rejoignent dans un constat qui nous paraît fondamental et qui est également présent dans le livre de Jérôme Jamin[4] ou dans les campagnes menées par la CNAPD ou par l’asbl « Vlaams belang contre l’extrême droite »[5]. Ce constat est de dire que toutes les dénonciations, explications, condamnations… du discours et des actes de l’extrême droite, si elles sont utiles, ne peuvent suffire et sont du travail de seconde ligne. Le principal combat aujourd’hui est celui pour un autre monde, pour une autre société qui (re)met au centre de ses préoccupations les valeurs de solidarité et d’émancipation en lieu et place de celles d’individualisme et de compétition. D’une société qui privilégie une sécurité sociale et des services publics aux intérêts des entreprises privées. Bref, que le combat contre l’extrême droite se mène plus sur le terrain social que sur les concepts moraux.
[1] Christian Boucq et Marc Maesschalck, Déminons l’extrême droite, Bruxelles, Couleur livres, 2005, 135 p.
[2]
[3] www.resistances.be. Un site à mettre dans ses favoris et à consulter régulièrement pour se tenir informer de l’actualité de l’extrême droite.
[4] Jérôme Jamin, Faut-il interdire les partis d’extrême droite ? Démocratie, droit et extrême droite. Liège, Luc Pire, 2005. Voir Espace de libertés n°335 d’octobre 2005, p.21
[5] www.vivelademocratie.be et www.lacible.be
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