« Pour moi, le PS, aujourd’hui, n’est plus le parti représentant les travailleurs. Il suffit de regarder pratiquement la politique menée par le PS au pouvoir depuis plus de vingt ans (en Wallonie) pour s’en convaincre : la part des salaires dans le PIB diminue constamment ; la pauvreté augmente (…) ; la privatisation des services publics avance à grand pas (…) La réponse se trouve en partie dans l’espace politique situé à gauche du PS, c’est-à-dire l’extrême gauche (…)»[1]. Ainsi s’exprime dans un récent livre d’entretien l’un des principaux dirigeants de la Centrale Générale Paul Lootens.
Deux mandataires du PS répondent d’une autre manière à un constat qu’ils partagent globalement avec le syndicaliste. Le premier, Gregor Chapelle, revient avec sa Lettre à mon parti[2] sur des constats qu’il faisait déjà dans son précédent ouvrage[3]. S’il n’est pas tendre avec les dérives tant idéologiques que de fonctionnement du PS, Chapelle insiste sur la force que celui-ci représente et que l’on oublie souvent. Outre ses milliers de mandataire : « 90.000 membres. Au moins 23.000 militants actifs. 2.000 acharnés. Pourquoi ces chiffres sont-ils importants ? Pas pour nous gargariser d’être un parti populaire (…) Cette force militante est notre plus grand atout. Non seulement dans les batailles électorales à venir. Mais aussi dans la mise en œuvre des changements que nous souhaitons voir advenir »[4]. A eux seuls, ces chiffres justifient pour Chapelle le fait de s’investir au sein du PS et d’y militer pour qu’il porte des revendications en phase avec la situation actuelle. Il plaide donc pour une dénonciation sans ambigüité de la faillite du capitalisme, mais aussi pour une attention sur l’importance des mots utilisés : « Oui, les mots sont importants. Oui, le combat politique est aussi culturel et syntaxique. Sur le court terme, il est probablement plus rentable de copier-coller les vocables (capable de donner de la voix) capitalistes. Mais sur le temps long, il est certain que reconquérir nos mots, les diffuser, les disperser, renforcera notre légitimité. À nous de parler, camarades. À nous d’inventer, de récupérer, ou de retrouver des mots dignes de porter nos convictions. »[5] Enfin, au PS ou non, il appelle un maximum de personne à « prendre parti » en faveur de l’émancipation, qui passera pour lui notamment par une prise en compte des pistes portées par les tenants de la décroissance.
Mais concrètement, comment trouver des solutions ? « Par une triple révolution. Révolution ? Non, une triple évolution. Car je ne crois pas aux brusques changements qui masquent les continuités de l’histoire. Je suis un évolutionnaire. Une évolution dans son rapport à la nature, aux autres et à soi. Rapport à la nature. Arrêter de considérer le minéral, le végétal et l’animal qui nous entourent comme neutres, comme un réservoir sans fond de richesses dans lequel nous pouvons puiser à satiété pour assouvir nos besoins prométhéens. Arrêter cette logique infernale, de la Bible, de Descartes, de l’homme maître et possesseur de la nature. » [6] Jean Cornil met donc, dans ses très judicieusement nommés vagabondages, également le thème de la décroissance au centre des solutions à la crise actuelle. Mais malgré le ton souvent poétique et introspectif de son livre, Cornil n’oublie pas que l’on ne peut agir qu’en se basant sur le réel : « Pas question de rêves ou d’utopies. Les exigences du réel nous imposent de bouleverser nos modèles explicatifs, de subvertir nos valeurs, de changer radicalement nos manières d’être et d’agir. Sans tarder. Des expériences, des alternatives, des rebellions, des prises de conscience surgissent çà et là. Trop lentement en regard de la cadence forcée des déséquilibres planétaires. Mais parfois pointe l’espérance »[7].
Les mois qui viennent nous indiquerons qui de Lootens ou de Chapelle et Cornil est le plus sur la bonne voie.
Notes
[1] Piersotte, Jean-Marie et Lootens, Paul, Tous ensemble ! Réflexions sur l’avenir des syndicats. Entretien avec Jérémie Detober, Charleroi, Couleur livres, 2008, p.80
[2] Chapelle, Grégor, Lettre à mon parti… et au citoyen qui voudrait changer ce monde mais laisse faire. Préface de Laurette Onkelinx, Charleroi, Couleur livres, 2008, 99 p.
[3] Voir notre article La gauche en questionnement in Espace de Libertés n°348 de décembre 2006, pp.24-25.
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