Cet article a été publié dans Espace de Libertés, n°390 d'octobre 2010, p.31
Le 19 septembre 1969, un module lunaire se pose sur la mer de la fécondité. La cosmonaute soviétique Valentina Terechkova y plante le drapeau soviétique. Cet événement, retransmis sur les postes de télévision du monde entier provoque la colère du président des Etats-Unis Richard Nixon. L’URSS vient de gagner son duel avec les USA pour savoir laquelle des deux grandes puissances mondiales sera la première à marcher sur la Lune. Cette réussite de l’URSS est due à l’échec de la mission Apollo 11 détruite par une micro-météorite quelques minutes avant son alunissage.
Quelles sont les conséquences de ce changement dans l’histoire ? C’est à cette question que Fred Duval et Jean-Pierre Pécau, pour le scénario, et Philippe Buchet, pour le dessin, répondent dans leur album Les Russes sur la Lune ! Publiée chez Delcourt, cette bande-dessinée inaugure une série intitulée Jour J dont le propos sera d’aborder à chaque album un futurible différent. Quatre autres titres sont d’ors et déjà annoncés avec comme question : et si l’épicentre de la guerre froide s’était trouvé à Paris ? ; Et si l’attentat de Dallas s’était déroulé en 1973 ?, et si l’Allemagne avait gagné la première guerre mondiale ? et un dernier, que j’attends avec une certaine impatience, posant la question d’une révolution de 1917 menée et remportée par les anarchistes.
Le futurible est une technique utilisée en histoire pour envisager des hypothèses permettant de mieux appréhender un événement et son caractère déterminant. Cela permet notamment de relativiser une tendance trop souvent observée qui lit l’histoire à partir d’aujourd’hui et considère donc son déroulement comme évident et automatique alors que les embranchements sont multiples et que rien n’est jamais écrit d’avance.
Pour en revenir à l’album Les Russes sur la Lune !, il est dommage que les auteurs n’aient finalement pas exploité leur idée de départ jusqu’au bout. En effet, le fait que les Soviétiques soient les premiers à marcher sur la Lune change finalement peu l’histoire. Certes Soviétiques et Américains ont, dix ans après, construits chacun une base sur la lune et les Soviétiques ont pris de l’avance dans la mise sur orbite de satellite. Mais cela mis à part les grands équilibres ne sont pas bousculés. Et la fin reste la même, simplement avancée à 1980 : l’URSS implose parce qu’économiquement exsangue et c’est le système capitaliste qui l’emporte. L’histoire imaginée reste au demeurant fort classique avec un message assez bateau. Coincé sur la Lune, les occupants des deux bases ont fini par fraternisés au point qu’une Américaine est enceinte d’un Soviétique. Les deux camps cachent ce fait à leurs dirigeants respectifs avec pour intention de révéler au monde entier la naissance de ce bébé symbole de la paix dans le monde. Les cachoteries entraînent l’envoi d’enquêteurs par les USA et par l’URSS. Si le commissaire du peuple soviétique est rapidement neutralisé, le « rambo » américain cause de gros dégâts. Ceux-ci amènent un dénouement décevant dans son style finalement convenu.
Une série prometteuse dans son concept mais dont on espère que les prochains albums oseront aller plus loin dans le postulat de départ et réellement nous entraîner dans un monde rendu différent.
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