dimanche 31 octobre 2010

Julien Lahaut vivant

En août dernier, cela faisait 60 ans que Julien Lahaut était assassiné.
J'ai déjà consacré un article sur ce blog, article d'ailleurs souvent consulté (voir ici), à la vie de ce personnage important de l'histoire de Belgique.
L'historien Jules Pirlot, avec qui il m'arrive de donner des formations sur l'histoire sociale de notre pays, a comblé il y a deux mois un vide important en publiant une biographie du seul député de l'histoire belge à avoir été assassiné pour des motifs clairement politiques.

Comme José Gotovitch le dit fort justement dès l'introduction : « Le métallurgiste, le syndicaliste, le dirigeant politique Julien Lahaut appartient à cette phalange d’hommes qui ont donné un visage à la classe ouvrière wallonne, ont été portés par elle et l’ont conduite dans des batailles décisives de son histoire. Pour être précis, sa stature, sa voix, et plus tard son souvenir incarnent la part prise par les communistes aux grands combats du premier demi-siècle passé. » (1). Un rappel toujours utile aujourd'hui où toute cette histoire tant à disparaître donnant l'impression d'une histoire linéaire où le capitalisme n'aurait jamais été contesté efficacement.

Le grand mérite de Jules Pirlot est de démythifié son sujet d'étude. Il n'hésite ainsi pas à citer des rapports très critiques internes au Parti Communiste qui soulignent le manque de travail parlementaire de Lahaut ainsi que sa faible formation politique. L'auteur aborde également des aspects moins connus du leader communiste comme celui-ci qui remonte au début de sa vie : « Il était accusé de Malthusianisme. Il donnait des conseils à ses compagnes de travail pour éviter les grossesses non désirées. On le soupçonnait de détenir sur son lieu de travail des ouvrages sur la question. Son armoire est donc forcée et ses livres disparaissent. Il attaque ses patrons au Conseil des Prud’hommes (l’ancêtre du tribunal du travail) mais est débouté faute de produire des témoins. » (2).

Le biographe arrive à contextualiser les différents aspects du parcours politique de Lahaut tout en restant accessible au lecteur néophyte. Pirlot précise d'ailleurs d'emblée que son livre se veut "tout public" et qu'une biographie complète, prenant notamment en compte un dépouillement systématique des archives parlementaires, de Julien Lahaut reste à réaliser. Ce qui n'empêche cependant pas le livre de développer les points de polémiques, comme la grève d'Ougrée-Marihaye, l'attitude des communistes au début de l'occupation ou les élections communale à Seraing de 1946.

Concernant l'assassinat, épisode qui passionne toujours les médias, Jules Pirlot confirme une nouvelle fois que « François Goosens, le tireur, est aujourd’hui identifié et décédé. Les noms de ses complices n’ont pas encore été révélés. François Goosens faisait partie d’un groupuscule d’extrême droite basé à Hal. » (3). La question des commanditaires, bien plus importante, reste elle entière. Et les entraves systématiques à une réelle enquête depuis 60 ans ne peuvent que susciter l'interrogation.

Un livre très agréable à lire qui a pour grande qualité de ne pas se limiter à son objet mais de permettre au lecteur de mieux appréhender l'histoire sociale, rarement abordée, de la première moitié du 20e siècle.

Notes

(1) Jules Pirlot, Julien Lahaut vivant, (Coll. Place publique), Cuesmes, Cerisier, 2010, p.11
(2) p.27
(3) p.150

Aucun commentaire: