dimanche 26 août 2007

Triangle rouge

Depuis de nombreuses années, le triangle rouge est le symbole de la lutte contre l’extrême droite. Il est ainsi depuis longtemps l’emblème du Front Antifasciste et de l’asbl Les Territoires de la Mémoire. Cette année, il a connu une ampleur de diffusion inégalée suite à la campagne Triangle rouge qui vise à « lutter contre les idées d’extrême droite ».

Précisons d’abord que si ce symbole est de forme triangulaire et de couleur rouge, ce n’est pas parce que la Franc-Maçonnerie et/ou le Parti socialiste seraient derrière les associations qui le diffusent, mais bien en raison du fait qu’il était le signe distinctif instauré par les Nazis pour les prisonniers politiques dans les camps de concentration et d’extermination. C’est donc l’insigne que les personnes qui s’étaient opposées par conviction au Nazis devaient porter sur leur uniforme concentrationnaire. En boutade nous dirions que les réclamations qu’expriment parfois des libéraux ou des catholiques bon teins sur la forme et sur la couleur sont à adresser à feu Adolf Hitler.

Plus sérieusement j’ai eu récemment la confirmation que le Triangle Rouge était un symbole qui eu une autre signification : celle d’affirmer la revendication des 3 x 8 heures (voir à ce sujet mon texte sur le 1er mai) à la fin du 19e siècle. Le fait est évoqué de la manière suivante par Michel Rodriguez : « D’autres signes relèvent de la symbolique du rouge, dès la première célébration. A Paris, de petits triangles en cuir rouge – allusion aux trois huit – sont fabriqués en grande quantité pour que le manifestant puisse se distinguer de l’homme de la rue » [1]. Si cette citation était plus fiable que les mentions que j’avais jusqu’alors pu lire sur des sites Internet qui, comme c’est bien trop souvent le cas, ne mentionnaient aucune de leurs sources, il me manquait encore un élément de première main. J’en ai retrouvé un la semaine dernière au hasard d’un dépouillement de presse à l’Université de Liège.

Dans La Gazette de Liège, journal de la droite catholique réactionnaire (ce qui à l’époque était double un pléonasme) du 25 avril 1890 on trouve l’information suivante : « Le 1er mai. Dix mille affiches vont être placardées à Paris. Elles seront imprimées sur papier rouge. Elles portent en tête : Fête du travail. La pétition des chambres syndicales et des groupes socialistes de France sera portée, le 1er mai, à la chambre des députés par une délégation. La délégation partira de la place de la Concorde à 2 heures de l’après-midi. L’insigne adopté par les manifestants est un petit triangle en cuir rouge dans lequel se trouve cette inscription : « 1er mai, 8 heures de travail ». On remarquera l’orthographe particulière du mot : heures. Cette orthographe et les caractères, qui ne sont certainement pas français, laissent facilement voir que la matrice a été fabriquée en Suisse ou en Allemagne. L’insigne se vendra 5 centimes. (…) »[2].

Je ne manquerai pas d’actualiser ce texte si je venais à recueillir de nouveaux éléments.

Notes

[1] Le 1er mai présenté par Michel Rodriguez. Collection Archives, Paris, Gallimard, 1990, p.158 [2] La Gazette de Liège, vendredi 25 avril 1890, p.1, col.1.

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