Cet article a été publié dans Espace de Libertés n°372 du mois de février 2009, p.32
Créé avant la première guerre mondiale, le Musée de la Vie Wallonne, a été repris il y a quelques années par la Province de Liège qui a décidé fort judicieusement de le moderniser et d’utiliser les remarquables collections de cette institution d’une manière plus accessible au public contemporain.
Situé dans des bâtiments du 17e siècle, à deux pas de la place Saint-Lambert, en plein cœur historique de la cité ardente, le Musée a bénéficié d’une intervention architecturale remarquable qui dès l’enveloppe souligne le projet de marier le contemporain au passé sans dénaturer celui-ci. On retrouve totalement cet esprit dans le parcours muséal dont la muséographie, qui utilise judicieusement les nouvelles technologies sans tapage inutile et n’hésite pas à intégrer des interventions d’art contemporain, a su dépoussiérer des collections qui en avaient grandement besoin. Musée d’ethnographie et de société, le Musée de la Vie Wallonne s’attache à nous montrer et à nous questionner sur ce que veut dire être wallon aujourd’hui à travers une multitude d’objets de la vie quotidienne et de leur évolution. Cette abondance des pièces exposées n’évite d’ailleurs malheureusement pas toujours l’impression de fatras qui se dégageait déjà de l’ancien musée.
Si la vie quotidienne constitue l’essentiel du propos, l’environnement politique et économique n’est heureusement pas oublié. Même si le piège de l’idéalisation du temps jadis, très présent avant la rénovation, n’est parfois pas bien loin, il est évité par des rappels bien venus sur les conditions désastreuses dans lesquels dut survivre la classe ouvrière pour permettre l’émergence de la Wallonie comme une des principales puissances économiques du 19e siècle. Politiquement, un espace – parmi les plus réussis – est réservé à l’histoire du Mouvement Wallon sous toutes ses facettes et contradictions. Cet espace est d’autant plus important que le Fonds d’Histoire du Mouvement Wallon, qui conserve de très nombreuses et précieuses archives sur ce sujet, est, après de nombreux aléas, hébergé et consultable dans les mêmes locaux que les remarquables collections (notamment photographiques) du Musée. A contrario, les différentes luttes collectives (pour le suffrage universel, la dépénalisation de l’avortement…) qui ont fait bouger la société wallonne sont quelques peu minorisées, du moins en comparaison des différents éléments folkloriques(1). Enfin comment ne pas évoquer l’espace consacré aux différentes tendances philosophiques. On restera perplexe devant ces vitrines qui semblent avoir été concédées à chaque culte et où l’on retrouve également la laïcité et la Franc-Maçonnerie, même si l’on appréciera le fait que chacun est mis sur un pied d’égalité notamment par le long plan fixe filmant une cérémonie. Et dans ce cas que dire de l’image donnée par la laïcité via une (mauvaise) vidéo d’une fête de la jeunesse laïque ?
Mises à part ces quelques réserves, il s’agit globalement d’une belle réussite questionnant intelligemment notre présent et notre futur à partir des éléments hérités du passé. À ce niveau, le texte concernant la peine de mort à l’entrée de l’espace où est exposé la guillotine nous apparaît comme particulièrement pertinent. Cette offre muséale évite également un trop grand nombrilisme principautaire et dote la ville de Liège d’un nouvel outil culturel complémentaire à ceux existants et futurs (comme le Mégamusée ou le projet Mnema). Enfin, avec l’espace d’exposition de l’ancienne église Saint-Antoine, le Musée de la Vie Wallonne a un écrin exceptionnel pour compléter, approfondir, voire nuancer des aspects présents dans ses collections permanentes.
Notes:
[1] À prendre dans le sens ethnographique et non péjoratif du terme.
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