Cet article a été publié dans Espace de libertés n°355 de juillet 2007, p.26
Faisant suite à un colloque international qui s’est tenu à l’ULB, les éditions Aden publient une étude de 80 ans d’existence d’une presse radicale qui sera longtemps dominée par la presse communiste[1].
Le livre retrace, à travers 18 contributions, l’histoire de cette presse militante qui, a de très rares exceptions comme celles de L’Humanité, aura une diffusion relativement confidentielle. Ainsi, en Belgique, Le Drapeau rouge, ne connaîtra un relatif succès qu’à la Libération. A partir de la guerre froide, le journal connaîtra une longue descente, jusqu’à sa disparition pure et simple au moment de l’effondrement de l’URSS. Après l’échec de Liberté et d’Avancée, son (très) lointain héritier est aujourd’hui le Journal du mardi même si depuis juillet 2004 la Parti Communiste a relancé son titre historique sous la forme d’un mensuel. Ce dernier, dans sa forme comme dans son contenu et sa diffusion, se rapproche des 41 autres titres paraissant aujourd’hui en Belgique dont
Mai 68 est à ce niveau une date charnière analysée par Mathieu Beys au travers de l’étude de trois titres, Notre temps, Hebdo et Pour, qui ne connaîtront jamais un lectorat suffisant. « Les trois titres évoqués ici n’auraient pas pu vivre sans l’investissement militant énorme apporté par de nombreux collaborateurs bénévoles. Certains ont abandonné leurs études ou un poste rémunérateur pour s’engager dans l’aventure de la « contre-information ».»[3] Toutes ces aventures éditoriales étaient basées sur le concept de l’autogestion mais n’échapperont pas aux luttes d’influences internes et à la place prépondérante de certaines personnalités. Ni à la tentation de l’action politique, comme lorsque « Les 12 et 13 février 1977, l’organisation politique Pour Le Socialisme (PLS), pure émanation du journal, est constituée au siège de Pour, essentiellement sous l’impulsion de quatre militants liégeois (Francis Biesmans, Luc Pire, Marc Jacquemain et Jean Peltier). »[4].
De tous les exemples analysés dans les différentes contributions, la seule a avoir une pérennité et un succès qui lui permet d’être toujours présente aujourd’hui est italien. Le quotidien Il manifesto, fondé en avril 1971, vend en moyenne 30000 exemplaires. Une coopérative dont font partie ceux qui travaillent dans la rédaction en assurant l’indépendance. Issu d’une dissidence du PCI historique au lendemain de 1968 son expérience aura un écho international[5]. Signalons enfin que c’est à ce quotidien qu’appartenait la journaliste Giuliana Sgrena, capturée en Irak en 2005 et dont la libération avait été le théâtre d’une des nombreuses bavures de l’armée américaine.
A l’heure des médias contrôlés par quelques groupes financiers, continuer à diffuser des périodiques portant un message différent est une mission démocratique fondamentale. Et ce n’est peut-être pas un hasard si dans un trimestriel comme Politique on retrouve de nombreuses personnes dont le nom parsème ce livre. Face à ce questionnement sur la possibilité d’une « gauche de gauche » et de sa presse, le parcours d’un Louis De Brouckère qu’analyse Pierre Van Dungen est exemplaire : « Pour De Brouckère, l’action politique doit se référer sans cesse aux principes, y compris lorsqu’elle devient tactique. Car Louis De Brouckère adhère à une doctrine : il devient marxiste en 1894, à 24 ans. Il appuie dès lors sa pensée sur trois socles qui jamais ne vacilleront dans son esprit, l’internationalisme, la lutte des classes et le respect de la démocratie sans lesquels, précise-t-il, la doctrine s’abaisse »[6]. Trois principes qui permettent de réaliser le triptyque Liberté – Egalité – Fraternité qui, ses trois composantes réalisées au même niveau, reste pour nous les conditions à la réalisation d’une véritable démocratie, dont le plan politique est complété par les plans économiques et sociaux.
[1] Sous la direction de José Gotovitch et
[2]
[3] Mathieu Beys, Sous les pavés, une presse libérée ! Trois tentatives de journalisme radical en Belgique après 68 in Presse communiste op.cit p.81
[4] Id. p.71. Tous les quatre sont encore bien présents dans le paysage politique, le 1er comme président du Mouvement socialiste wallon, le 2e comme célèbre éditeur, le 3e comme militant au PS et le dernier comme pilier historique d’une des tendances trotskistes sur Liège (le MAS-CAP).
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